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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/403

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Durant les vacances de Pâques, Nellie, qui aspirait à la senteur de l’aubépine dans sa campagne natale, fut emmenée à Brighton par ordonnance des médecins ; elle prit ce lieu en grippe parce que Wilfred s’y ennuyait ; trois jours après son arrivée, il prétendit être obligé de partir pour affaires et promit de revenir le samedi suivant. Elle se soumit comme de coutume et le supplia gentiment de ne point se préoccuper d’elle. Le jour même, elle se trouva face à face sur l’esplanade avec Hubert Saint-John ; il arrivait de Londres, où il avait passé l’hiver dans la retraite à travailler, en évitant toute rencontre avec les Athelstone et se bornant à faire prendre des nouvelles de Nellie, qu’il savait malade. Son désir était de ne pas la revoir une première fois au bras de son mari : le hasard le servit ; peut-être, du reste, n’était-ce pas le hasard, car il avait eu connaissance de leur séjour à Brighton. La glace fut vite rompue, il revint dès lors le plus souvent possible, et Wilfred, à son retour, fit bon accueil à un vieil ami ; mais Saint-John ne pouvait plus répondre à cette franche amitié, il se le reprochait, craignant que la jalousie ne le rendît injuste ;.. non, ce n’était pas cela, ou plutôt ce n’était pas cela seulement, Hubert en voulait à Wilfred de n’être pas pour son adorable femme tout ce qu’il aurait dû être ; il sentait qu’au-delà de toutes les attentions matérielles dont le monde se contente pour établir la réputation d’un bon mari, il y avait autre chose, que la jeune femme y aurait eu droit et qu’elle en était frustrée. Chaque jour il allait la voir, faisant pour cela violence à ses sentimens, qui lui rendaient pesante l’hospitalité de Wilfred ; comment échapper à cette intimité qu’établit la vie aux bains de mer, vie toute extérieure et désœuvrée ? À Londres, ce serait différent. Nellie brûlait de retourner à Londres afin de n’être plus séparée de son mari, qui la laissait seule plusieurs jours par semaine.

— Attendez encore, lui disait Wilfred ; il faut que vous reveniez assez forte pour supporter des fatigues inévitables, non que je veuille vous traîner dans cette cohue qu’on appelle la société, mais vous aurez à faire connaissance avec mes amis, et tant de choses à voir !.. Et puis votre présentation à la cour… Ma mère y tient beaucoup.

— Ô Wilfred, est-ce une nécessité absolue ? Je préférerais en être dispensée.

— Mon Dieu ! il faut bien prouver qu’il n’y a rien à dire contre vous, que ma femme a le droit de prendre sa place parmi les pairesses. Quand nous aurons une fois établi cela, je trouverai comme vous parfaitement inutile d’insister.

Un soir, tout en regardant avec son mari et Saint-John le disque rouge du soleil plonger dans la mer, Nellie parla de certaine lettre de Mme Goldwin qu’elle avait reçue. Des Goldwin, la conversation