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ler ; on ne doit pas non plus aller trop vite. La première condition est de marcher d’une manière pondérée et mesurée. » M. le président de la chambre ne cesse de répéter qu’il y aurait « grand péril à se porter trop en avant de l’opinion, » qu’il faut bien se garder de violenter le pays en lui imposant « des réformes qui pourraient être admirables sur le papier, mais qui seraient tout simplement un point d’appui donné à la réaction. » Aux yeux de l’orateur consultant du Neubourg, la république, désormais assise, doit être réformatrice, mais nullement niveleuse ou chimérique. « Réformatrice veut dire simplement qu’à force d’études, de compétence, il faut étudier les problèmes et les résoudre avec calme, patiemment et graduellement, car ce que la France veut, c’est qu’on lui assure la confiance et la sécurité dans l’avenir… » M. Gambetta parle en sage, et il donne l’exemple de la prudence en ajournant indéfiniment le scrutin de liste. Le discours du Neubourg est un programme de modération ; mais alors, pourquoi les programmes de Tours et de Belleville à la veille du scrutin ? Pourquoi M. le président de la chambre a-t-il commencé par donner lui-même l’autorité de son nom et de son patronage à ces projets de révision constitutionnelle auxquels personne ne songeait ? Pourquoi s’est-il plu à énumérer dans ses harangues électorales toutes ces questions, toutes ces réformes qu’il semble ne plus croire aussi urgentes ? Comment expliquer tant de modération aujourd’hui après tant d’ardeurs et d’imprudences de parole il y a un mois ? On en conviendra, ces discours de Tours et de Belleville sont une singulière préparation au discours du Neubourg ; le discours du Neubourg, d’un autre côté, est un singulier épilogue aux discours de Belleville et de Tours. Ces contradictions restent le secret d’un esprit qui, en s’approchant du pouvoir, finit peut être par comprendre qu’on ne gagne rien à tout agiter. Dans tous les cas, par le langage qu’il vient de tenir, M. Gambetta est le premier à constater que ces programmes auxquels il a paru se rallier pourraient bien dépasser la mesure des sentimens, des vœux et des intéi êis du pays.

Au fond les programmes sont des programmes, et le pays n’a entendu donner à personne un mandat d’agitation indéfinie. C’est d’autant plus vrai qu’il suffit d’observer les récentes élections dans leur ensemble pour saisir une fois de plus un fait qui peut donner à réfléchir, qui a sa signification morale, son poids, sa valeur déterminante dans le choix d’une politique. Assurément, à ne prendre les derniers scrutins du 21 août et du 4 septembre que dans ce qu’ils ont de plus palpable, dans l’inexorable réalité des chiffres, les résultats sont clairs et évidens. Les républicains de toutes les nuances ont une majorité considérable. Ils entreront dans la chambre nouvelle au nombre de 450, et, défalcation faite des irréconciliables du radicalisme, ils formeront encore une masse parlementaire de plus de 400 députés. Légale-