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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/545

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si la fierté de son langage se concilie avec l’évacuation du Mexique et celle de Rome. »

Il devenait de plus en plus évident qu’il était passé le temps où l’empereur pouvait dire : « Quand la France est satisfaite, l’Europe est contente. » Il était loin aussi le temps où des acclamations saluaient son passage à travers l’Allemagne, alors qu’il se rendait à Stuttgart, où l’attendait l’empereur Alexandre. Il était alors à l’apogée de la puissance ; tous les regards se dirigeaient vers lui, tous recherchaient son bon vouloir, et peut-être son règne se serait-il terminé glorieux, s’il avait pu renoncer à des idées préconçues, résister aux entraînemens d’une opinion publique plus généreuse que réfléchie, et appeler en plein succès le pays au partage du pouvoir et de la responsabilité.

À quelques jours de là, à l’ouverture du parlement du Nord, le roi sortait de son silence sans paraître se préoccuper de l’impression que ses paroles produiraient à Paris. Il indiquait clairement la volonté de la Prusse d’étendre sa prépondérance sur toute l’Allemagne. Il recommandait l’union aux Allemands, en revendiquant pour le gouvernement prussien, le plus puissant des états confédérés, la direction des destinées communes. Il annonçait que les rapports nationaux qui s’établiraient entre le Nord et le Midi seraient consacrés par des garanties réciproques, pour assurer la sécurité du territoire allemand ; il laissait ainsi pressentir, et M. de Bismarck commençait à ne plus le cacher, que des arrangemens militaires ne tarderaient pas à intervenir entre la Confédération du Nord et les gouvernemens méridionaux. « M. de Bismarck, en commentant le discours royal, écrivait M. Benedetti, m’a donné à entendre que, si rien n’était fait encore, comme il me l’a affirmé, des conventions militaires n’en étaient pas moins imminentes. )> Ainsi, à la date du 25 février 1867, M. de Bismarck reculait encore devant l’aveu des traités d’alliance qu’il avait imposés aux états du Midi lors de la conclusion de la paix et dont l’existence avait été révélée au gouvernement impérial dès le mois de novembre 1866. Il se bornait à les faire pressentir, mais il devait bientôt jeter le masque et apprendre à l’empereur, de la façon la plus brutale, que sa diplomatie ne l’avait que trop bien renseigné.


G. ROTHAN.