Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/546

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

MARCO


DERNIÈRE PARTIE[1]


XXIII.


Bernard avait passé la nuit sans dormir, assis devant son bureau, la tête penchée sur le billet rose d’Alice et se demandant si ce billet lui promettait la joie ou la mort, car son exaltation allait jusque-là.

Il était résolu à sortir de la position ridicule où l’éclat de sa passion venait de le jeter et d’en sortir d’une façon quelconque, fût-elle violente. Les refus d’Alice avaient froissé son orgueil presque autant que son amour, et la puissance de ses désirs repoussés lui causait une souffrance dont il voulait se débarrasser à tout prix. C’est avec la résolution d’en finir qu’il descendit vers le lieu du rendez-vous, calme et grave. Gomme il devançait l’heure, il allait lentement et laissait sa pensée, presque indifférente, flotter autour de lui, se posant où se posaient ses regards distraits. Sa volonté arrêtée lui rendait l’esprit libre. Pour la première fois peut-être, il trouva quelque plaisir à traverser le petit village, la ruche plutôt, composée, comme d’autant de cellules, des pauvres habitations des ouvriers de son usine. C’était son chemin ; il ne s’en détourna pas et regarda çà et là s’éveiller tous ces nids.

De petites maisons basses, bâties à l’aide de quelques arbres mal équarris, cimentés par de la terre mêlée d’un peu de moellon, un toit en pente, couvert de tuiles blanches et rouges, ou de chaume, et surmonté d’une étroite cheminée, une petite porte, une fenêtre à côté : c’est la tanière du pauvre. Mais le temps passe, et une frange

  1. Voyez la Revue du 1er août, du 15 août, du 1er septembre et du 15 septembre.