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frapperait; peut-être en serions-nous quitte pour quelque royaume écrasé pendant que le reste de la terre jouirait des raretés qu’un corps qui vient de si loin y apporterait; on serait peut-être bien surpris de trouver que les débris de ces masses que nous méprisons seraient formés d’or et de diamans; mais lesquels seraient les plus étonnés de nous ou des habitans que la comète jetterait sur notre terre ? Quelle figure nous trouverions-nous les uns aux autres ? »

A côté de ces sinistres prédictions que je pourrais multiplier et qui occupèrent de grands astronomes, il y a des opinions absolument contraires. Herschel croyait que la masse des comètes est insignifiante; il alla jusqu’à prétendre que si on ramassait toute la matière de l’auréole du noyau et de la queue, on pourrait la mettre dans une balance, où elle ne pèserait que quelques onces. J’ai déjà dit que Babinet appelait les comètes des riens visibles, en se fondant sur la transparence des queues. Si cette assertion était vraie, l’effet d’une rencontre de la terre avec une comète serait absolument nul ; mais ce n’est là qu’une opinion sans fondement et qui tombe à cause de son évidente exagération.

Examinons plus sérieusement les conséquences d’une pareille éventualité. Tout dépendrait de la masse de la comète; car, de même qu’une locomotive enlève, sans en rien éprouver, une charrette ou un bœuf qu’elle rencontre en son chemin, de même la terre absorberait sans s’en apercevoir une comète beaucoup moins grosse qu’elle. Cherchons donc à évaluer, au moins approximativement, la masse des comètes. Il est certain qu’elle est faible. En 1870, la comète de Lexell passa très près de nous, à 600,000 lieues: elle fut dérangée dans son mouvement, mais elle ne changea rien à la course de la terre. Si sa masse avait été comparable à celle de notre globe, elle aurait allongé l’année de 1,000 secondes; comme elle ne l’a point altéré d’une quantité sensible, Laplace a conclu que la terre est beaucoup plus pesante, au moins 5,000 fois plus pesante que la comète. Les lois de l’astronomie ne permettent malheureusement pas d’apprécier avec une certitude absolue la masse d’une comète dont on a observé le mouvement. M. Roche est le seul qui ait appuyé sur des calculs sérieux une évaluation approchée de la comète de Donati, qu’il fixe à la vingt-millième partie de la masse terrestre ou à 57 fois notre atmosphère : ce serait une sphère d’eau de 400 kilomètres de rayon, pesant 268 millions de milliards de tonnes. C’est quatre fois moins que Laplace ne l’avait dit, mais c’est encore quelque chose de sérieux, et la rencontre de cette comète avec la terre amènerait, sinon tous les événemens qu’a craints, qu’a formulés Laplace, au moins des perturbations considérables.

Elle en occasionnerait d’une autre nature que les astronomes du