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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/609

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dernier siècle ne soupçonnaient point. Les progrès récens de la physique ont amené une modification radicale dans l’idée qu’ils se faisaient de la chaleur; ce n’est point un fluide qui s’accumule dans les corps, c’est un mouvement moléculaire analogue à celui qui produit le son. Quand un marteau frappe une cloche, elle se met à vibrer: c’est du son. De même, quand une balle de plomb rencontre une plaque de fer, elle perd sa vitesse, mais ses molécules héritent du mouvement perdu et exécutent des oscillations très rapides, c’est de la chaleur; ce n’est pas autre chose qu’une transformation de la force vive, et l’on sait calculer avec précision la quantité de chaleur qui naît quand une masse connue passe du mouvement au repos. Si, par exemple, la terre, dont nous connaissons la vitesse et la masse, était tout à coup arrêtée dans son mouvement, elle engendrerait assez de chaleur, non seulement pour se fondre, mais pour se réduire entièrement en vapeur. La catastrophe serait autrement grandiose que le supposait Maupertuis. N’est-ce point à une action de ce genre qu’on doit attribuer les inflammations subites d’étoiles qu’à diverses époques on a constatées dans le ciel ? On peut de même calculer réchauffement que subirait la terre par le choc d’un astre égal au dix-millième de sa masse et qui viendrait l’aborder avec une vitesse connue ; il serait proportionnel au carré de cette vitesse, en la supposant dirigée perpendiculairement à l’orbite; il serait donc de un centième de degré si elle était égale à un kilomètre par seconde, de 1°, 1 si elle devenait de 10 kilomètres; et si la vitesse du choc était de 100 kilomètres, la terre s’échaufferait à 116 degrés, toute l’eau qu’elle possède entrerait en vapeur. Le grand danger d’mie rencontre est donc encore moins dans les conséquences mécaniques que dans la température énorme qui en serait la suite et à laquelle la vie succomberait. Il y aurait encore un autre danger pour achever cette ruine. L’analyse spectrale a reconnu dans l’auréole d’une comète, et de toutes les comètes, la présence de gaz azotés et carbonés ; tous sont impropres à l’entretien de la vie, quelques-uns sont des poisons violens; tel l’acide prussique. Décidément il faut faire des vœux pour qu’un pareil événement nous soit épargné, et nous sommes bien heureux qu’il soit si improbable.

Mais il y a plus de chances de rencontrer une queue, cela arriverait nécessairement si la comète était en conjonction avec la terre, c’est-à-dire si elle se plaçait entre elle et le soleil, car alors sa queue nous couvrirait comme l’ombre de la lune nous couvre dans une éclipse totale de soleil; ce phénomène serait toutefois difficile à observer, peut-être même ne serait-il pas aperçu ; il offrirait en effet les mêmes conditions que le passage de Vénus ou de Mercure.