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que la monnaie d’or soit échangée contre quinze fois et demi son poids de monnaie d’ai-gent. En vain l’expérience dément cette assertion; c’est une anomalie qui ne saurait durer. La monnaie d’or déjà commence à s’y soustraire et devient chaque jour plus rare.

Le bimétallisme boiteux n’est qu’un expédient passager : si l’on y persiste, il nous imposera la monnaie d’argent. Le bimétallisme partiel adopté en présence des nations qui recherchent l’or nous l’imposerait plus vite encore; tout leur argent affluerait chez nous pour se faire transformer en monnaie régulièrement frappée. Il nous viendra très probablement, si le statu quo se prolonge» déguisé en fausse monnaie indiscernable de la bonne; le résultat pour nous sera le même.


III.

L’algèbre classe les problèmes par le nombre des solutions possibles représentant le degré de l’équation qui doit les résoudre. Si l’on demande quel accroissement sur les prix doit correspondre à un accroissement donné de numéraire, le nombre des solutions est infini et le problème inaccessible au calcul.

J.-B. Say a proposé une réponse; elle est possible, il serait imprudent de la déclarer vraie. Les prix, suivant lui, sont proportionnels à la masse du numéraire. Si la France possède 2 milliards de numéraire et que par une circonstance quelconque ces 2 milliards soient réduits à 1,500 millions, ces 1,500 millions, dit-il, vaudront autant que les deux milliards, et les prix baissant de 25 pour 100, on pourra faire et payer les mêmes achats qu’avant.

L’assertion est au moins douteuse.

Simplifions la question pour la rendre plus nette. Une île existe dans des mers lointaines, privée de tout commerce avec le reste du globe. Une population active, civilisée, sait y trouver de suffisantes ressources. Quelques-uns sont riches, aucun n’est misérable, la monnaie suffit aux achats et aux ventes. Les forces productrices de l’île étant connues, la récolte du blé étant donnée, celle du vin, le nombre des têtes de bétail, la puissance et l’usage de chaque machine, le détail du prix de chaque denrée, le nombre des ouvriers de chaque espèce, la rémunération des journées de travail, le revenu annuel enfin et la dépense de chaque habitant, pourrait-on calculer combien de monnaie en tout se trouve en circulation?

La solution n’est pas seulement embarrassante et épineuse, elle est impossible ; on ne pourrait pas même, avec toutes ces données, obtenir un chiffre approché. La quantité de monnaie nécessaire lorsque les achats, les transactions et les prix restent les mêmes, varie avec les habitudes de crédit et de confiance mutuelle, indépendamment même de toute monnaie fiduciaire dont, pour simplifier,