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rences qui devaient forcément en résulter dans le jeu des pouvoirs publics. Voilà ce qui arrive, et lorsqu’aujourd’hui des députés de l’extrême gauche, réunis au nombre de dix-sept, s’en vont en procession auprès de M. le président du conseil pour l’interroger, pour le presser d’appeler le parlement, ils agissent sans doute en révolutionnaires ; ils se soucient fort peu à coup sûr de la constitution qui interdit justement les délibérations partielles, qui n’a prévu qu’un cas, celui où la convocation du parlement serait demandée, dans l’intervalle des sessions, « par la majorité absolue des membres composant chaque chambre. » Ils agissent d’autant plus irrégulièrement, ces députés de l’extrême gauche, que bon nombre d’entre eux, élus pour la première fois, n’ont même aucun titre légal, ne sont encore ni validés ni reconnus. C’est vrai, ce sont des révolutionnaires qui en auraient bientôt fini avec la république, et M. le président du conseil a pu les évincer sans façon en leur laissant la ressource de publier un manifeste ; mais, d’un autre côté, qu’y a-t-il à répondre à ceux qui demandent à M. le président du conseil s’il n’a appelé si précipitamment les électeurs autour des urnes que a pour donner le spectacle à la fois affligeant et ridicule d’un pays restant deux mois sans représentation avec deux chambres pour le représenter ? »

Non assurément, manier avec cette légèreté présomptueuse et irréfléchie les ressorts de l’état, créer des impossibilités pour les pouvoirs publics, ce n’est ni de la prévoyance politique, ni de l’ordre, ni du bon gouvernement, pas plus que ce n’est du vrai régime parlementaire d’arranger d’avance des ministères de fantaisie, de disposer des majorités et des prérogatives du président de la république au profit d’une importance embarrassante et embarrassée ; mais ce qui est bien moins encore du gouvernement ou de la politique sérieuse, c’est ce qui se passe à cette heure même, dans cet interrègne confus, au sujet de cette affaire d’Afrique qui reste l’obsession de l’opinion, — et qu’on ne s’y trompe pas, la cause du mal est la même.

Lorsqu’un ministère qui s’est dit plus républicain que les autres est arrivé au pouvoir, il y a bientôt trois ans, il n’a eu rien de plus pressé que de chercher des satisfactions de parti en Afrique comme partout. Il ne pouvait manifestement laisser à la tête de l’Algérie un homme comme M. le général Chanzy, qui était certes fait pour porter l’épée de la France et qui avait le mérite d’être depuis longtemps familier avec les affaires arabes. On a voulu absolument porter l’idée républicaine sur l’autre bord de la Méditerranée, essayer le régime civil, et pour que rien ne manquât, on a choisi comme gouverneur, — qui donc ? un simple avocat de province, qui avait, il est vrai, l’avantage d’être le frère de M. le président de la république. L’expérience ne pouvait être plus complète : c’était le système civil dans tout son éclat t)u dans toute sa simplicité républicaine, — sans l’uniforme et sans le