Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/845

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

végétaux, le renouvellement même partiel de la flore a dû entraîner le déclin et ensuite l’extinction de ces êtres puissans dont la masse nous étonne, et qui semblent avoir été les souverains incontestés de la nature entière à l’époque où nous cherchons à nous placer. Les rhinocéros confirment cette appréciation par la distribution de leurs espèces successives. Chacune d’elles semble avoir été associée à l’un des éléphans que nous avons nommés. Le rhinocéros « à narines minces, » le plus ancien de tous, se rattache à l’éléphant « méridional, » tandis que le rhinocéros « de Merck » accompagne l’éléphant « antique » en Provence, où le mammouth n’a jamais pénétré. C’est le rhinocéros «à narines cloisonnées» (Rh. richorhinus) qui a été certainement le compagnon du mammouth et qui l’a suivi dans ses migrations des bords de la Lena jusque dans le centre de notre contaient.

Quant au grand hippopotame (H. major), que sa taille plus élevée distingue seule de l’hippopotame ordinaire des fleuves africains, il se trouve associé à l’éléphant « antique » et se retire en même temps que lui des contrées du Nord ; il laisse pourtant après lui un rejeton quaternaire amoindri, que rien ne sépare de l’amphibius actuel. De même, après le départ de l’éléphant « méridional, » on rencontre auprès de Paris un autre type (Elephas priscus), qui, d’après M. Gaudry, ne serait autre que l’éléphant d’Afrique actuel.

L’éléphant « méridional » pliocène est la plus gigantesque de toutes ces bêtes dont la taille entraîne la coexistence d’une flore assez opulente pour suffire à leur alimentation. Le squelette retiré de Durford (Gard) et reconstitué au Muséum mesure une hauteur de 4m, 35 de la plante des pieds au sommet de la tête ; il a 2m, 37 de largeur avec les défenses et près de 7 mètres de long y compris les défenses. Cette espèce est le prototype le plus éloigné de l’éléphant d’Afrique, de même que l’éléphant « antique » paraît avoir son représentant actuel dans l’éléphant des Indes. Les descendans amoindris sont loin de reproduire les dimensions de leurs aînés.

L’éléphant « méridional » est présent sur une foule de points du midi de la France vers la fin des temps pliocènes ; on le trouve près de Lyon, où il habitait peut-être seulement dans la belle saison ; de là il s’avançait plus loin jusqu’en Angleterre. On rencontre ses traces sur le plateau central, à Marseille, à Montpellier, dans le Gard, mais surtout en Italie (val d’Arno). Il se plaisait au milieu des forêts encore opulentes de ce dernier âge tertiaire. Les empreintes végétales recueillies par M. le professeur Marion, accompagné de M. Mazel, dans la fosse même d’où le squelette entier de cet animal a été retiré entier et debout, par les soins de M. Cazalis de Fondouce, montrent bien que le paysage d’alors ne comprenait