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des empreintes du tuf de Moret ; l’arbre de Judée ou gainier, fréquent dans la même localité et qui ne dépasse plus Montélimart à l’état spontané ; le buisson ardent, que nous avons reçu de Canstadt et qui, rare partout, ne dépasse plus la Provence : tels sont les indices de l’élévation relative de la température quaternaire.

L’égalisation de cette même température ressort du fait de l’extension vers le nord, jusqu’aux approches de Paris, du laurier, du figuier et du gainier, qui abondent aussi dans les tufs contemporains de Provence et se retrouvent dans ceux d’Italie et d’Algérie, particulièrement à Tlemcen, où de nombreuses empreintes de laurier, recueillies par M. Bleicher, nous ont été communiquées par ce savant. Il fallait qu’à cette époque, le climat fût assez égal pour permettre à des plantes méridionales de se propager à l’état spontané, du 35e au voisinage du 50e degré de latitude nord. L’égalisation, en même temps que l’humidité présumée du climat, résultent encore de cette circonstance singulière, que le saule « cendré, » qui de nos jours encore fréquente les bois humides en Suède et dans les environs de Paris, mais qui, à raison de cette aptitude, est maintenant rare et sporadique dans le midi de la France et en Corse, se trouvait alors associé partout aux espèces méridionales que nous avons signalées : à Moret, à Canstadt, en Provence aussi bien qu’en Italie et à Tlemcen, c’est toujours le saule « cendré » que l’on rencontre. C’est encore à Moret le peuplier « grisaille » et l’aune, à Canstadt le tilleul, en Provence aussi le tilleul, puis le pommier sauvage, en Algérie l’aune. C’est partout le peuplier blanc ou grisaille, le noisetier, l’aune et le tilleul, aussi bien en Provence qu’à Moret et à Canstadt, et cette persistance, jointe à l’universalité du saule « cendré, » ne saurait être plus significative.

Il est donc impossible de ne pas admettre à la fois la douceur et l’humidité du climat quaternaire dans toute la partie de l’Europe que les glaciers n’avaient pas envahie, et à l’époque même où vivait en Provence l’éléphant antique, dont un individu, il y a quelques années, a été retrouvé entier, enchâssé dans le tuf des Aygalades, près de Marseille. Les dents de cet éléphant, seules parties que l’on ait sauvegardées, furent déterminées par le célèbre Falconer, l’auteur même de l’espèce.

Le mammouth[1], animal du Nord, armé contre le froid d’une épaisse toison, pouvait vivre pendant l’hiver dans des cantons, d’où la saison rigoureuse obligeait sans doute l’éléphant a antique » de se retirer chaque année pour émigrer vers le sud. C’est pendant la

  1. Le nom scientifique du mammouth est Elephas primigenius, dénomination en réalité impropre, puisque le mammouth est le plus récent et le dernier venu des éléphans fossiles.