qu’on appelle croyances, opinions, convictions peut se ramener à ce cas. C’est toujours la nécessité de la conduite pratique qui nous impose l’obligation de choisir un système en politique, en religion, en morale sans attendre la fin de l’examen qui, en effet, ne se terminerait jamais. Or des convictions fortes et décidées valent mieux que l’abstention. Rien ne se fait par le doute. La foi, au contraire, soulève des montagnes.
À la nécessité pratique s’ajoute le sentiment pour constituer la croyance. Le sentiment de l’honneur, par exemple, nous détermine à rester fidèles à nos doctrines, lors même que nous pourrions les considérer comme condamnées à périr. Le sentiment de l’amitié nous commande de croire à la fidélité d’un ami sans avoir besoin pour cela de preuves rationnelles. La confiance est un sentiment généreux qui devient un devoir entre personnes qui s’aiment, mais qui ne peut pas constituer une certitude, car elle peut être trompée par l’événement. Sans doute c’est un devoir pour un fils de croire à la chasteté de sa mère, mais peut-on dire qu’un fils ne sera jamais trompé dans cette croyance ? Comment pourrait-elle être la source d’une certitude spéciale ? La générosité est une vertu morale, ce n’est pas un critérium de certitude. Lorsque Alexandre buvait la potion présentée par son médecin Philippe, qui lui était dénoncé comme voulant l’empoisonner, il faisait un acte héroïque, mais en quoi héroïque ? C’est que la dénonciation pouvait être vraie et qu’il risquait sa vie plutôt que de faire injure à un honnête homme. Mais n’y a-t-il jamais eu dans le monde de générosité trompée et de confiance trahie, de foi démentie par l’événement ? Comment donc peut-on confondre le devoir moral qui nous ordonne de risquer l’erreur en cas de nécessité pratique et pour obéir aux lois de la patrie, de la famille et de l’amitié, avec les conditions de la certitude ?
M. Ollé-Laprune, au contraire, croit que la foi, la confiance engendrent une certitude spéciale égale à celle de l’évidence, quoique différente ; que dans les cas où la lumière est mêlée d’obscurité, c’est à la volonté à franchir l’intervalle qui sépare l’évidence incomplète de l’évidence complète. C’est ce qui a lieu, suivant lui, pour les quatre vérités morales qui constituent le code de la religion naturelle. Ces quatre vérités sont d’abord des connaissances fondées sur des raisons solides. Mais en même temps, ce sont des connaissances imparfaites et obscures que la foi seulement peut transformer en vérités inébranlables et absolument certaines. On sait que c’est le propre de toute philosophie de la croyance, quelque mitigée qu’elle soit, de faire une certaine part au scepticisme. Il y a là, en effet, une corrélation logique, nécessaire. On n’est obligé de croire que là où cesse la connaissance. Ce sont donc les lacunes