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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

La place de Paris continue à présenter le spectacle le plus surprenant pour tous ceux que la froide raison et la logique obligent à reconnaître que la spéculation commet des exagérations et même des folies analogues à celles qui ont, en 1873, provoqué l’effondrement célèbre du marché de Vienne. A quelque point de vue qu’on se place pour examiner les faits et les circonstances économiques du moment, il est impossible d’admettre qu’ils soient de nature à favoriser la hausse des valeurs mobilières. Les taux des reports restent très élevés; l’argent a une tendance constante au renchérissement; les cours de certaines valeurs paraissent avoir atteint ou dépassé le niveau auquel l’imagination la plus optimiste pouvait il y a quelques mois les porter. Nous restons menacés d’une crise monétaire dont les premiers symptômes viennent de se produire par l’élévation du taux de l’escompte à Londres à 5 pour 100. Et pourtant c’est la hausse, et souvent une hausse considérable, que nous avons à constater chaque quinzaine sur la plupart des titres des institutions de crédit et sur les actions des grandes entreprises industrielles.

A l’élévation du taux de l’escompte, au resserrement de l’argent, à la perspective de nouveaux et continuels drainages d’or pour les États-Unis ou pour les autres pays à l’égard desquels nous pouvons être débiteurs, l’optimisme de la spéculation oppose des faits d’un caractère plus général et d’une portée plus étendue : la situation améliorée de nos récoltes, les plus-values constantes dans le rendement des impôts et revenus indirects, l’accroissement si remarquable du trafic des chemins de fer. La spéculation a-t-elle tort ou raison de négliger ce qu’elle considère comme accidentel pour ne tenir compte que de ce qui lui paraît au fond et d’une manière permanente une excellente situation économique? L’avenir en décidera.

La Banque d’Angleterre, comme on le prévoyait en septembre, a dû élever dès les premiers jours d’octobre le taux de son escompte. Sa réserve était tombée brusquement au-dessous de 12 millions de livres sterling. On prenait de l’or à ses guichets pour l’Amérique, pour l’Egypte et pour l’Italie. De 5 pour 100, elle élèvera le taux à 6 pour 100, à 7 pour 100, s’il le faut, et il est probable que la nécessité de ces élévations successives s’imposera avant la fin du mois prochain.

La Banque de France n’a pas suivi l’exemple de la Banque d’Angleterre, le taux de 4 pour 100 ayant suffi jusqu’à présent comme mesure préventive contre les menaces de drainage et la Banque ayant d’ailleurs d’autres moyens que l’élévation de l’escompte pour préserver son