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c’est la glaire féconde où un être se prépare à exister, monstre encore, mais doué d’un principe d’unité, d’un type assez fort pour écarter les impossibilités, pour se donner les organes essentiels. Que sont tous les efforts des siècles consciens si on les compare aux tendances spontanées de l’âge embryonnaire, âge mystérieux où l’être en train de se faire se retranche un appendice inutile, se crée un système nerveux, se pousse un membre ? C’est à ces momens-là que l’Esprit de Dieu couve son œuvre et que le groupe qui travaille pour l’humanité peut vraiment dire :

Est Deus in nobis, agitante calescimus illo.


II

L’histoire d’une religion n’est pas l’histoire d’une théologie. Les subtilités sans valeur qu’on décore de ce nom sont le parasite qui dévore les religions bien plutôt qu’elles n’en sont l’âme. Jésus n’eut pas de théologie ; il eut le sentiment le plus vif qu’on ait eu des choses divines et de la communion filiale de l’homme avec Dieu. Aussi n’institua-t-il pas de culte proprement dit, en dehors de celui qu’il trouva déjà établi par le judaïsme. La « fraction du pain, » accompagnée d’actions de grâces, ou eucharistie, fut le seul rite un peu symbolique qu’il adopta, et encore Jésus ne fit-il que lui donner de l’importance et se l’approprier ; car la beraka (bénédiction), avant de rompre le pain, a toujours été un usage juif. Quoi qu’il en soit, ce mystère du pain et du vin, considérés comme étant le corps et le sang de Jésus, si bien que ceux qui en mangent ou en boivent participent de Jésus, devint l’élément générateur de tout un culte. L’ecclesia ou l’assemblée en fut la base. Jamais le christianisme ne sortit de là. L’ecclesia, ayant pour objet central la communion ou eucharistie, devint la messe ; or la messe a toujours réduit le reste du culte chrétien au rang d’accessoire et de pratique secondaire.

On était loin, vers le temps de Marc Aurèle, de la réunion chrétienne primitive, pendant laquelle deux ou trois prophètes, souvent des femmes, tombaient en extase, parlant en même temps et se demandant les uns aux autres, après l’accès, quelles merveilles ils avaient dites. Cela ne se voyait plus que chez les montanistes. Dans l’immense majorité de l’église, les anciens et l’évêque président l’assemblée, règlent les lectures, parlent seuls. Les femmes sont assises à part, silencieuses et voilées. L’ordre règne partout, grâce à un nombre considérable d’employés secondaires, ayant des fonctions distinctes. Peu à peu, le siège de l’épiscopos et les sièges des