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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/130

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L’influence romaine ou, si l’on veut, aryenne, est aussi plus sensible que l’influence juive dans la défaveur qui frappait les secondes noces. On les envisageait comme un adultère convenablement déguisé. Dans la question du divorce, où certaines écoles juives avaient porté un relâchement blâmable, on ne se montrait pas moins rigoriste. Le mariage ne pouvait être rompu que par l’adultère de la femme. « Ne pas séparer ce que Dieu a uni » devint la base du droit chrétien.

Enfin l’église se mettait en pleine contradiction avec le judaïsme, par le fait de considérer le célibat, la virginité, comme un état préférable au mariage. Ici le christianisme, précédé du reste en cela par les thérapeutes, se rapprochait, sans s’en douter, des idées qui, chez les anciens peuples aryens, présentent la vierge comme un être sacré. La synagogue a toujours tenu le mariage pour obligatoire ; à ses yeux, le célibataire est coupable d’homicide ; il n’est pas de la race d’Adam, car l’homme n’est complet que quand il est uni à la femme ; le mariage ne doit pas être différé au delà de dix-huit ans. On ne faisait d’exception que pour celui qui se livre à l’étude de la Loi et qui craint que la nécessité de subvenir aux besoin d’une famille ne le détourne du travail. « Que ceux qui ne sont pas comme moi absorbés par la Loi peuplent la terre, » disait Rabbi ben Azaï.

Les sectes chrétiennes qui restèrent rapprochées du judaïsme conseillèrent, comme la synagogue, les mariages précoces, et même voulurent que les pasteurs eussent l’œil ouvert sur les vieillards, qu’il importait de soustraire au danger de l’adultère. Tout d’abord, cependant, le christianisme versa dans le sens de Ben Azaï. Jésus, quoique ayant vécu plus de trente ans, ne s’était pas marié. L’attente d’une fin prochaine du monde rendait inutile le souci de la génération, et l’idée s’établit qu’on n’est parfait chrétien que par la virginité. « Les patriarches eurent raison de veiller à la multiplication de leur postérité ; le monde alors était jeune ; maintenant, au contraire, toutes choses déclinent et tendent vers leur fin[1]. » Les sectes gnostiques et manichéennes n’étaient que conséquentes en interdisant le mariage et en blâmant l’acte générateur. L’église orthodoxe, toujours moyenne, évita cet excès ; mais la continence, même la chasteté dans le mariage, furent recommandées ; une honte excessive s’attacha à l’exécution des volontés de la nature ; la femme prit une horreur folle du mariage ; la timidité choquante de l’église en tout ce qui touche aux relations légitimes des deux sexes provoquera un jour plus d’une raillerie fondée.

  1. Tert., Ad ux., t, 5 ; le même, de Exhort. Castit., 5-6 j Eusèbe, Demonstr. évang., I, 9.