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LE
ROMAN D'EDUCATION NATIONALE
EN ALLEMAGNE

M. GUSTAVE FREYTAG

Die Brüder vom deutschen Hause. — Marcus Kœnig. — Die Geschwister. — Aus einer kleinm Stadt, von G. Freytag ; Leipzig, 1880.

Goethe, dans ses entretiens avec Eckermann, se plaint du peu de vivacité et d’originalité des mœurs allemandes : aussi a-t-il placé Wilhelm Meister au milieu d’une troupe de comédiens nomades pour laisser plus de liberté pittoresque, de variété et d’imprévu à ses aventures. Il ajoutait, à propos des romans de Walter Scott ; « On voit en les lisant ce qu’est l’histoire anglaise et quelles ressources elle offre à un poète de mérite. Notre histoire allemande en cinq volumes est au contraire d’une pauvreté véritable. » Le roman historique présente en effet plus de difficultés en Allemagne qu’en d’autres pays. « La France, disait Voltaire, est la première des monarchies et l’Allemagne la première des anarchies. » On ne rencontre pas en Allemagne cette unité de notre histoire, qui se développe comme une épopée en plusieurs chants et où se retrouvent l’ordonnance et la logique de l’esprit français : elle n’offre pas, comme l’Angleterre, de grandes et tragiques archives nationales, où poètes et historiens ont abondamment puisé : longtemps morcelée, disputée, sans unité, sans littérature, l’Allemagne ne possède qu’une confusion de chroniques locales, où l’on démêle avec difficulté le sentiment de la commune patrie et qui donnent peu d’essor à la fantaisie du romancier.