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ignoraient qu’avant lui, Paul II s’était occupé avec une vive sollicitude de plusieurs des monumens les plus précieux de sa capitale, les arcs de triomphe, les colosses du Quirinal, la statue équestre de Marc Aurèle. Nous pouvons ajouter que Sixte, en fondant le musée du Capitole, ne fit également que suivre la voie inaugurée par son prédécesseur. Les huit ou dix statues exposées par son ordre étaient bien peu de chose en comparaison des trésors réunis par ce dernier. Mais l’habile della Rovere ouvrit sa collection au public, tandis que Paul II garda la sienne pour lui et pour quelques intimes. Si nous mentionnons encore le bref par lequel Sixte défendit l’exportation des marbres antiques, nous aurons épuisé la liste des mesures de conservation à porter à son actif. Il préludait par cet acte antilibéral à la longue série de règlemens prohibitifs, par lesquels l’Italie et la Grèce, seules parmi les nations civilisées, ont cherché à s’assurer la possession exclusive des œuvres d’art nées sur leur sol.

Examinons maintenant le revers de la médaille. Quelle indifférence pour l’antiquité, toutes les fois que la vanité du pape n’est pas directement en jeu ! Il ouvre le musée du Capitole, mais disperse celui du palais de Saint-Marc ; il achève la restauration de la statue de Marc Aurèle, mais démolit une demi-douzaine de temples ou d’arcs de triomphe ; il défend l’exportation des marbres, mais autorise ses architectes à chercher dans les ruines les matériaux nécessaires aux constructions nouvelles. Ces accusations demandent à être appuyées de preuves. Et tout d’abord, en ce qui concerne le musée de Saint-Marc, des documens nouvellement découverts forcent de reconnaître que la responsabilité de Sixte est excessivement grave. Il donna ou vendit à Laurent le Magnifique, outre des bustes d’Auguste et d’Agrippa, une grande partie des camées ou intailles réunis par Paul II : nous retrouvons notamment, dans l’inventaire de l’amateur florentin, la fameuse calcédoine représentant l’Enlèvement du palladium. Passe encore d’avoir sacrifié d’un cœur si léger l’héritage artistique de Paul II : entre les mains de Laurent de Médicis, ces trésors devaient être en sûreté, et l’Italie n’en serait pas privée. Mais comment justifier la conduite de Sixte vis-à-vis des ruines vénérables qui couvraient sa capitale ! Ses victimes sont innombrables, et le long martyrologe de Rome antique enregistre son règne comme un des plus néfastes. Dès le 17 décembre 1471, un bref autorisait les architectes de la bibliothèque Vaticane à faire partout des fouilles (effodene) pour se procurer les pierres nécessaires. Le bref ne dit pas où ces carrières devront être établies, mais il est facile de suppléer à son silence. Les entrepreneurs se seront bien gardés de faire venir à grands frais les travertins de Tivoli et les marbres de