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papier de circulation. Il était certain que la Banque d’Angleterre ayant déjà porté l’escompte à 5 pour 100, la Banque de France devrait, un peu plus tôt ou un peu plus tard, suivre l’exemple ! L’accroissement considérable du portefeuille n’a pas permis de différer plus longtemps l’adoption de la mesure. Le portefeuille dépassait, en effet, lorsque l’escompte a été porté à 5 pour 100, 1 milliard 300 millions ; huit jours plus tard, le chiffre de 1 milliard 400 millions était atteint ; le montant des avances sur titres, qui n’était il y a un an que de 150 millions, s’élève aujourd’hui à 350 millions.

Il est malheureusement difficile en pratique de distinguer entre le papier commercial et le papier de circulation, entre celui qui représente des transactions régulières et qui porte témoignage d’un redoublement d’activité dans les affaires sérieuses, et celui qui n’a d’autre destination que de fournir à la spéculation le moyen de poursuivre ses excès. La Banque elle-même ne peut pas aisément faire la séparation du bon et du mauvais papier ; elle risquerait d’ailleurs, en se montrant trop sévère, de provoquer la crise au lieu de la prévenir, et elle a eu certainement raison d’adopter la seule mesure préventive efficace qui fût à sa disposition, l’élévation de l’escompte.

Ajoutons qu’au point de vue purement monétaire, cette mesure a complètement réussi ; les changes se sont immédiatement détendus ; l’exportation de l’or est devenue impossible, et l’or a cessé de faire prime.

Un autre résultat heureux de la frayeur inspirée par l’extrême cherté des reports et par le renchérissement de 1 pour 100 dans le taux de l’escompte, est que la spéculation française, qui avait pris des engagemens formidables à la hausse sur les valeurs ottomanes et égyptiennes, a pu se dégager dans une large proportion et repasser au Stock-Exchange une bonne part du fardeau sous lequel elle était menacée de succomber. Les Anglais, qui, depuis deux mois, n’avaient cessé de vendre du Turc, de la Banque ottomane et de l’Unifiée, ont racheté des quantités énormes de ces valeurs depuis la liquidation du 15 octobre, en sorte que le 5 pour 100 consolidé, qui avait baissé de 16 à 14, s’est relevé à 14.75, et que la Banque ottomane, après avoir fléchi de 740 à 670, a pu revenir à 700.

Une rapide énumération fera ressortir l’importance de la réaction qui a frappé, depuis la liquidation du 15 octobre, toutes les valeurs sur lesquelles la spéculation était et reste engagée à la hausse.

Le 3 pour 100 a baissé de 84.85 à 84.40, l’amortissable de 86.15 à 85.50, l’emprunt nouveau de 85.30 à 84.10, le 5 pour 100 de 117.10 à 116.45.

Nous avons indiqué tout à l’heure les oscillations subies par les valeurs turques ; l’Égyptienne unifiée a fléchi de 385 à 375, l’Italien de 90 à 88,30, le Florin d’Autriche de 81 1/4 à 80 1/8.