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des talens diplomatiques ou militaires du premier ordre, Frédéric-Guillaume, surnommé le grand électeur, s’était montré digne de traiter avec Richelieu et Louis XIV, comme de combattre entre Turenne et Condé. De la longue lutte engagée entre les maisons de Bourbon et d’Autriche il avait habilement tiré parti pour assurer son indépendance, tantôt en aidant à diminuer la puissance impériale, tantôt, au contraire, en lui venant en aide après l’avoir affaiblie. Ses successeurs, fort inférieurs à lui à tous égards, furent pourtant aussi bien servis par leurs défauts que lui-même l’avait été par son génie. Son fils, Frédéric Ier, roi de Prusse, n’avait que de la vanité, mais il la mit tout entière à acquérir la dignité royale, qui le plaça hors de pair parmi les innombrables souverains du corps germanique. Quant au monarque suivant, celui dont le règne allait finir, despote brutal et sanguinaire, tyran domestique, plus redouté de ses enfans que de ses sujets, économe jusqu’à l’avarice et prudent jusqu’à la timidité, il avait passé toute sa vie à amasser des deniers qu’il ne dépensait pas, à aligner les rangs et à mesurer la taille de soldats qu’il ne risquait sur aucun champ de bataille. Mais le résultat était qu’il allait laisser à qui de droit, après lui, les deux grands ressorts de toute politique : un trésor bien garni et une armée en bon état.

Si la situation des deux successions ne se ressemblait guère, le contraste était plus grand encore entre les deux personnes royales appelées à les recueillir ; et pas plus l’une que l’autre, il faut le dire, ne ressemblaient aux héritiers présomptifs ordinaires, élevés sur les marches d’un trône avec l’espérance d’y monter.

La fille de Charles VI, l’objet de ses inquiètes prédilections, le frêle et dernier rejeton d’une race de souverains terribles et de chevaliers bardés de fer, l’archiduchesse Marie-Thérèse, était une aimable princesse douée de toutes les grâces et animée de tous les sentimens délicats et affectueux qui font d’une jeune femme, dans quelque rang qu’elle soit placée, le charme de sa famille et la parure de sa société. Sa figure, telle que M. d’Arneth nous la décrit, avait plus de séduction encore que de beauté : ses yeux, d’un bleu un peu sombre, étaient pleins de vivacité et de douceur. Sa chevelure blonde retombait en boucles abondantes. La lèvre inférieure un peu avancée (trait héréditaire de la maison d’Autriche), n’ôtait rien à l’agrément d’un sourire qui laissait voir des dents d’une blancheur éblouissante. Son teint était éclatant. Le tour de son visage décrivait un ovale parfait. Le cou se dégageait avec élégance des épaules tombantes. L’expression de la physionomie révélait la pureté de l’âme.

L’éducation de la princesse avait été soignée sans dépasser pourtant, en aucun genre, la mesure d’instruction commune aux dames