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villes en général, mais vers les grandes villes, centres de consommation plus abondante et de jouissances matérielles plus vives. Les relevés officiels de l’administration, les études des économistes ont donné sur le peu de progrès de la population française en général, et sur ses déplacemens, les renseignemens les plus explicites. Aujourd’hui c’est donc une vérité acquise que, si en d’autres pays l’ouvrier s’expatrie et émigré, chez nous il fuit les champs en même temps que le capital s’en détourne.


I

Quels autres désirs ont remplacé l’ancienne passion dominante ? A quelles satisfactions l’activité générale s’empresse-t-elle de courir ? Quels biens le travail de chacun s’efforce-t-il de conquérir aujourd’hui ?

Il n’est douteux pour personne que le goût de la propriété mobilière s’est développé dans une énorme proportion depuis que les titres qui la représentent ont été multipliés comme l’on sait. Tout ce mouvement industriel et commercial, fruit des découvertes scientifiques de notre siècle, a eu pour symbole et signe extérieur des titres transmissibles de main en main, constitutifs d’une propriété non moins sérieuse que la propriété immobilière, procurant des revenus faciles à percevoir et dans bien des cas moins précaires et moins variables que la rente même de la terre. À ces avantages très réels ajoutons le besoin de plus en plus vif et sans cesse aiguisé de la consommation sous toutes ses formes, on peut même aller jusqu’à dire le droit pour chacun de se faire une plus large place au banquet de la vie, et nous nous expliquerons sans peine comment la fortune privée se compose principalement aujourd’hui des valeurs mobilières, avec lesquelles on peut payer presque comptant les objets dont l’envie se fait sentir, et qui gonflent ce que, dans un langage accepté universellement, on appelle le portefeuille de chacun. Pas n’est besoin, pour en déterminer le nombre, d’établir de longs inventaires. Nous traitions ici même, il y a quatre ans, la question de la constitution de la compagnie des agens de change à Paris et nous faisions ressortir alors l’importance des transactions opérées au parquet ; mais les progrès que nous entrevoyions ont dépassé toutes les limites prévues. Que l’on mette, en effet, auprès de la cote de la Bourse de 1877 la cote officielle d’aujourd’hui et que l’on compare : celle-ci a doublé d’étendue. Que l’on énumère à la suite des valeurs négociées par les agens de change celles dont le marché libre se fait l’intermédiaire, la progression apparaîtra encore plus grande. Le nombre des sociétés qui, sous diverses dénominations, font l’office de maisons de banque, n’était, sur la cote officielle de la Bourse de Paris avant 1870, que de neuf seulement ; en 1876, il