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fluence française aurait pu se manifester utilement, comme elle s’est manifestée plus d’une fois dans le passé, par d’autres moyens et sous d’autres formes, ceux-là mêmes ne mettent pas en doute la nécessité de maintenir ce qui a été fait ; ils ne demandent pas qu’on désavoue la signature de la France inscrite sur un traité, et c’est précisément pour cela que l’ordre du jour proposé avec tant d’apparat par M. Gambetta n’est qu’une banalité affirmant ce que personne ne conteste, déguisant à peine un acte d’ostentation personnelle. D’un autre côté, il y a eu, il y a toujours dans un tel débat un amas d’élémens subalternes, rumeurs, accusations avilissantes, soupçons injurieux, insinuations qui ne peuvent qu’obscurcir, altérer ou diminuer le caractère d’une affaire d’intérêt public et qui n’ont point de place dans une discussion sérieuse ; mais si la nécessité de sauvegarder l’influence française à Tunis n’est nullement contestée, si les diffamations, les bruits déshonorans n’ont que faire dans un débat sérieux, la question essentielle, la question de politique, de conduite reste entière. Le chef du dernier cabinet, M. Jules Ferry, a eu beau déployer son éloquence, se complaire dans le sentiment imperturbable de son habileté et prodiguer à ses coopérateurs, se prodiguer à lui-même tous les témoignages possibles de satisfaction, il n’a pas réussi à prouver qu’on ne s’était pas engagé à la légère dans cette affaire tunisienne ; il n’a pas pu effacer cette impression que, depuis le commencement jusqu’à la fin, on avait incessamment placé les chambres en face d’actes accomplis et irrévocables ; il n’a pas détruit cette série de faits, la désorganisation de l’armée par M. le ministre de la guerre, la contradiction et l’imprévoyance dans l’envoi, dans la composition des forces expéditionnaires, la subordination des opérations militaires à des calculs de parti, à des intérêts parlementaires ou électoraux, l’irrégularité des procédés financiers. Il a voulu trop prouver, trop triompher, et dans ces deux discours parfois habiles, nous ne le méconnaissons pas, le plus souvent spécieux ou prétentieux, par lesquels il s’est défendu, ce qu’il y a peut-être de plus curieux et de plus imprévu, c’est la manière même dont il entend justifier ou expliquer certains faits, certaines libertés que le ministère a prises avec les droits du parlement, avec les règles traditionnelles de l’administration. Pour un ministre de la république, il a des principes hardis !

On a dit quelquefois que le dernier président du conseil avait l’ambition d’être un des représentans de la politique modérée, de passer pour un homme de gouvernement, et il a lui-même du reste avoué cette ambition. Il n’a pas toujours prouvé par ses actes, il est vrai, qu’il avait une idée bien nette du rôle auquel il prétend. Il met du moins un zèle chaleureux à revendiquer dans son langage et pour la circonstance les prérogatives du gouvernement. — Vient-on lui demander des comptes ? Désire-t-on savoir pourquoi le ministère a engagé