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le Vatican lui enlève un lambeau. On a profité de ses constantes rébellions pour le resserrer dans Rimini, et sa haine contre son voisin, le duc d’Urbin, sera la cause directe de sa perte. Il régnait sur Fano, et son frère Malatesta Novello avait Cesena ; Montefeltre lui enlève la première de ces villes, et le saint-siège, à la mort de Novello, réclame la seconde. Il avait eu de sa maîtresse, la Vannetta dei Toschi, un fils, Robert, ne en 1440, le seul qui pût revendiquer son trône sur les enfans d’Isotta ; celui-ci n’attendait que sa mort pour se déclarer seigneur à l’exclusion des fils que Sigismond avait fait légitimer. Le pontife Paul II suivit la tradition du Vatican et se déclara l’ennemi du seigneur de Rimini. Comme ce dernier était revenu de Morée, affaibli par les fièvres et obligé d’y laisser ses troupes, par conséquent, dans l’impuissance de défendre sa seigneurie contre les efforts du duc d’Urbin, chaque jour lui enlevait une ville ou un château-fort. Le pontife lui envoya le prince de Camerino pour lui proposer de sortir de Rimini menacée et de régner sur un des états de l’église pendant qu’il confierait la défense de la ville à un légat pontifical qui y entrerait à la tête des troupes du saint-siège. A peine le message reçu, Sigismond monté à cheval ; il cache un poignard sous son pourpoint et déclare au Broglio (un de ses compagnons d’armes qui nous a laissé une chronique de son temps), qu’il a résolu de poignarder le saint-père. Sept jours durant, il chemine, grelottant la fièvre, sans repos, sans trêve, silencieux et farouche. Un envoyé du pontife le rencontre aux portes de Rome ; à première vue, il comprend son exaltation et avertit le saint-père. Le premier jour, celui-ci lui refuse l’audience ; le lendemain, comme pour lui faire honneur, il l’entoure des splendeurs d’un cortège pontifical, et Paul II le reçoit entouré de seize cardinaux. Malgré cette imposante assistance, sa main cherche encore son poignard sous sa robe ; mais bientôt, se sentant enfermé dans un cercle de fer par les capitaines de l’église qui surveillent ses moindres gestes, il éclate en sanglots, il écume, et se jette aux pieds du pontife en lui rappelant les jours où il menait à la victoire les troupes du Vatican.

Paul II lui laissa Rimini, mais de ces vastes états qui s’étendaient jusque près d’Ancône, il ne lui restait plus que cette seule ville ; tous ses châteaux de la plaine et de la montagne étaient aux mains de Montefeltre. Il était devenu pauvre et il lui était interdit de signer un contrat comme condottiere avec les princes d’Italie qui étaient en guerre avec l’église ; on lui servit une pension comme capitaine des troupes vaticanes. Venise, qui avait déjà pris Ravenne, convoitait sa dernière possession, et son propre fils, qui avait dû prendre du service auprès de Paul II, et qui commandait pour lui à Ponts-Corvo, n’attendait que le moment favorable pour trahir son père,