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le saint-siège, et régner, à sa place. Sigismond tomba malade à Rieti, où il reçut le médecin chargé, par le pontife de venir à son secours ; les fièvres qu’il avait contractées en Morée avaient pris un caractère pernicieux : il mourut à cinquante ans, tremblant pour Isotta, à laquelle il laissait le seul état qui constituait son domaine, afin de le transmettre à son fils Salluste.

Placée entre les embûches de Venise, celles du saint-siège, les menaces d’Urbin et les convoitises du fils de Sigismond né d’un autre lit, Isotta ne pouvait que succomber. Elle se sentait perdue et tremblait pour les siens. Le lendemain même de la mort de son mari, Robert Malatesta, qui ne la regardait que comme une marâtre, se présenta au pape et lui demanda l’autorisation de se mettre à la tête des troupes de l’église pour prendre Rimini et livrer la ville à Paul II. Le pape y consentit et l’autorisa même à y conduire ses compagnies ; vêtu en paysan il s’introduisit dans la forteresse et, une fois là, il négocia avec Aragon, avec Milan, Florence et même avec Urbin, l’implacable ennemi de son père. Cela fait, il leva le masque, déclarant au pontife « qu’il devait trouver bon qu’il vécût et qu’il mourût dans l’enceinte de la cité où il était né et où reposaient les restes de son père et de ses aïeux. » Paul II forma une nouvelle armée, en donna le commandement à Alessandro Sforza, seigneur de Pesaro, et à Orsini, et on vit le fils de Sigismond, après une éclatante victoire remportée sur ces deux capitaines, forcer le Vatican à capituler. Le saint-siège, en pareil cas, n’avait pas deux politiques ; il donna l’investiture à Robert, fils de Sigismond, et celui-ci succéda à son père, de concert avec Isotta.

Une année après, on trouvait le corps de Salluste, l’héritier légitime de Sigismond, dans le puits d’une maison de Rimini, et, après un long récit du meurtre, dont naturellement on rendait responsable un innocent, Robert écrivait, au conseil des Dix de la république de Florence les lignes suivantes, où il se dénonce en se défendant d’un crime dont personne encore n’a songé à l’accuser :

« J’ai voulu faire part de ces événemens à Vos Seigneuries, afin d’abord qu’elles fussent bien informées et pour qu’elles comprissent qu’elles ont perdu en Salluste Malatesta un vrai serviteur. Elles auront enfin les preuves de mon innocence et en pourront justifier contre tous ceux qui, bien, à tort, voudraient me rendre responsable du crime[1]. » Salluste avait vingt-quatre ans ; quelques moisi après succombait son frère Valerio, et Isotta, qui semblait encore-associée au pouvoir, mais qui n’était que la prisonnière de Robert, mourait à petit feu consumée par un poison lent qu’on lui avait versé.

Sixte IV avait succédé à Paul il ; il comprit que ce Robert était de

  1. Série I. — Dieci di Balia (Archives d’état de Florence).