présence pouvait peut-être sauver son pouvoir menacé. Quelques amis seuls furent mis dans la confidence de cette résolution ; on ne la sut à Lima qu’en apprenant son débarquement au Callao. Ce brusque retour était fait pour dérouter les plans de ses adversaires s’il eût coïncidé avec la nouvelle d’une victoire, mais le navire qui ramenait Prado apportait aussi des détails sur les revers subis. Un instant déconcertés, les conspirateurs reprirent courage. Pierola d’ailleurs n’était pas homme à se laisser facilement abattre. Avec son expérience des mouvemens insurrectionnels au Pérou, Prado se rendit compte dès les premiers jours de son retour de la gravité de la. situation. Accueilli dans la capitale par un morne silence, il voyait s’éloigner de lui ses partisans et faisait vainement appel à la nécessité de s’unir dans un effort suprême pour résister à l’ennemi extérieur. Il alla même jusqu’à faire venir Pierola et lui offrit un portefeuille. Pierola refusa brutalement, avec le dédain d’un homme qui se sent soutenu par l’opinion publique.
Prado se vit perdu. D’une heure à l’autre, l’insurrection triomphante pouvait éclater dans les rues de Lima ; il en serait la première victime. Au point où en étaient les choses, il ne cherchait plus qu’à sauver sa vie. Le 18 décembre, il présida son conseil avec le plus grand calme apparent, expédia les affaires courantes, et annonça qu’il visiterait, dans l’après-midi, les forts du Callao pour s’assurer, par lui-même, de leurs approvisionnemens. En effet, à trois heures, il prenait le train pour Le Callao et deux heures après on lisait sur les murs de Lima la proclamation suivante :
« Concitoyens,
« Les intérêts suprêmes de la patrie me commandent de partir pour l’étranger.
« Je m’éloigne de vous temporairement. Il faut des raisons bien fortes pour que je m’y décide à un moment où ma présence ici peut paraître si nécessaire. Les motifs qui me décident sont en effet très graves et très puissans.
« Respectez ma résolution. J’ai le droit de vous le demander après tous les services que j’ai rendus à l’état.
« Soldats,
« Si nos armées ont subi quelques revers dans les premiers jours