Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/675

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de novembre, le 27 du même mois, elles se sont couvertes de gloire, à Tarapaca. Quelles que soient les circonstances, vous imiterez, je le sais, l’exemple que vous ont donné vos frères du Sud.

« Ayez confiance dans votre concitoyen et ami.

« M.-J. PRADO. »

Suivait un décret qui remettait le pouvoir suprême aux mains du vice-président.


Prado avait tout préparé pour sa fuite. Il s’embarquait secrètement à bord du Paita, vapeur de la compagnie anglaise du Pacifique, à destination de Panama. Il se rendait, disait-il, aux États-Unis et en Europe, pour y acheter des vaisseaux de guerre, des armes et des munitions. De Guayaquil, il adressait à ses amis de Lima une longue lettre pour justifier son départ : « Je reviendrai bientôt, ajoutait-il ; j’assurerai au Pérou une victoire éclatante ou je serai enseveli dans ses flots. »

Le départ de Prado laissait le champ libre à toutes les convoitises ; la colère et l’indignation de la population favorisaient les visées des ambitieux. Le vice-président, général La Puerta, était, disait-on, hors d’état, vu son âge et ses infirmités, de porter le fardeau du pouvoir dans des circonstances aussi critiques. Les partisans de Pierola réclamaient hautement sa nomination comme dictateur. Un dictateur seul pouvait sauver le Pérou. Devait-on confier le commandement de l’armée péruvienne au général Daza, président de la Bolivie, comme le demandaient quelques-uns, et consacrer ainsi l’abaissement du Pérou ?

Le gouvernement résistait. Le ministre de la guerre, La Cotera, à la tête de quelques bataillons fidèles, contenait la populace, mais le mécontentement se faisait jour parmi les troupes. Sollicitées par les partisans de Pierola, indignées par la fuite de Prado, elles hésitaient. Dans la soirée du 21 décembre, le mouvement éclata. Un bataillon prit les armes et se déclara pour Pierola. Sommé de rentrer dans le devoir par le général La Cotera, il refusa et occupa militairement sa caserne. La Cotera engagea résolument le combat. Soutenu par quatre pièces d’artillerie, il attaqua la caserne et était sur le point de l’emporter quand il reçut avis que des bandes d’insurgés menaçaient le palais du gouvernement. Pierola, à la tête de son bataillon, en occupait les issues. La Cotera se porta à sa rencontre, et une lutte acharnée s’engagea sur la place et dans les rues voisines. La discipline des troupes restées fidèles et l’énergie de La Cotera l’emportèrent ; les insurgés perdirent plus de trois cents