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jactance, l’agitation brouillonne du commandant péruvien, inquiétaient et mécontentaient son collègue, nominalement sous ses ordres. Aussi Camacho pressait-il le général Campero de venir au plus tôt prendre le commandement en chef de l’armée alliée, auquel lui donnait droit son titre de président de la Bolivie.

De son côté, l’armée chilienne ne restait pas inactive. Une reconnaissance hardie tentée par l’escadre avait eu pour résultat de débarquer sur la côte péruvienne, dans le petit port d’Ilo, un détachement de cinq cent cinquante hommes. Leur chef s’était emparé sans coup férir du port et de la ligne de chemin de fer qui d’Ilo se dirige dans l’intérieur sur Moquega. Les lignes télégraphiques, immédiatement coupées par les Chiliens, ne permirent pas de donner l’alarme à Arica ou à Tacna ; le détachement chilien avait amené avec lui des chauffeurs et des mécaniciens. On chargea l’artillerie et les troupes dans les wagons, et le train partit pour Moquega, où il arriva à l’improviste. La garnison péruvienne, surprise, ne tenta même pas de défendre la ville. On s’empara des vivres, du matériel, et l’on revint à Ilo sans perdre un homme et après avoir reconnu la partie du territoire que le commandant chilien se proposait d’envahir.

Son plan était de couper les communications entre La Paz et Lima d’une part et Arica et Tacna de l’autre. Les alliés occupaient ces deux derniers points, situés au sud d’Ilo. Une occupation de la ligne d’Ilo à Moquega enfermait l’armée alliée entre les forces chiliennes maîtresses de Pisagua et le corps d’armée qui, occupant Ilo, fermait la ligne de retraite vers le nord et barrait le chemin aux renforts qu’elle pouvait attendre ! Le 25 février 1880, quatorze mille Chiliens occupaient Ilo et Pacocha, port voisin, ainsi que toute la vallée de Moquega. Au reçu de ces nouvelles, l’amiral Montero télégraphia d’Arica au président Pierola que, loin de voir avec appréhension ce mouvement de l’armée chilienne, il ne saurait assez s’en féliciter et que « cette armée trouverait son tombeau dans la vallée de Moquega. » En réalité, il était cerné de tous côtés ; mais, d’une part, sa présomption naturelle et son incapacité militaire ne lui permettaient pas d’apprécier sainement la situation, et, de l’autre, il comptait sur les forces dont disposait le colonel Camarra, fortement cantonné à Moquega et auquel des renforts importans avaient été expédiés à la suite de la reconnaissance faite par les Chiliens quelques semaines avant. Moquega, en effet, était en état de défense. En arrière de la ville se trouvait la gorge de Los Angeles surnommée les Thermopyles péruviennes.

En 1823, une faible colonne espagnole y avait tenu tête à l’armée indépendante ; plus tard, en 1874, don Nicolas Pierola, le