aussitôt, grondant quelques paroles et laissant derrière lui une forte odeur de soufre. L’Allemagne a reçu dernièrement une. visite non moins étrange. Un humanitaire, dont le visage lui était nouveau, s’est présenté chez elle pour recommander à ses bontés les intérêts et les détresses du pauvre homme. Elle commençait à se laisser toucher par son éloquence lorsqu’elle s’aperçut que lui aussi avait des mains qui ressemblaient à des griffes d’oiseau ou pour mieux dire, aux fortes serres d’un faucon de haut vol, ardent la proie. Elle reconnut alors dans ce philanthrope improvisé un grand politique fécond en ressources, qui s’occupe depuis longtemps de ses affaires et à qui tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins cachées.
On assure qu’au lendemain des élections, dans un accès d’humeur, M. de Bismarck a pensé à prendre sa retraite. On l’a dit, mais personne ne l’a cru. On affirme aussi que, se ravivant, il s’est promis de dissoudre avant peu le nouveau Reichstag. Ceci est plus croyable, et peut-être y songe-t-il encore. Toutefois le message impérial dont il a donné lecture le 17 de ce mois était conçu dans les termes les plus pacifiques et les plus rassurans. L’empereur semblait dire : « Sans doute, vous ne nous plaisez guère, mais nous ferons bonne mine à mauvais, jeu et à force de patience, nous réussirons peut-être à triompher de votre mauvais vouloir, au moins en ce qui concerne le vote du budget et l’expédition des affaires courantes. Nous sommes, à la vérité, vous et moi, des conjoints bien mal assortis, mais quand on n’a pas ce qu’on aime, ont tâche d’aimer ou de supporter ce qu’on a. » Ce qui a paru plus significatif dans ce message, où le ton d’impériale autorité était agréablement tempéré par une aimable bonhomie et par une bonne grâce patriarcale, c’est que le roi-Guillaume y prenait nettement à son compte tout le programme de son ministre, ses projets de loi et son socialisme d’état, tout en ajoutant « qu’il n’osait espérer un succès prochain et que la solution de problèmes si complexes ne pouvait être obtenue dans le court délai d’une session. »
Le message impérial, qui a fait sensation en Europe, paraît avoir été accueilli assez froidement par le Reichstag. On accusait le chancelier d’avoir égoïstement compromis son souverain en le rendant solidaire de ses entreprises hasardeuses. On lui rappelait que, dans les pays constitutionnels, c’est au ministre qu’il incombe de couvrir le monarque, que ce n’est pas au monarque de couvrir le ministre. On lui reprochait d’avoir exploité à son profit le prestige attaché a une glorieuse et auguste vieillesse, devant qui toute l’Allemagne s’incline. Dans certaines assemblées, qui s’occupent d’affaires douteuses, on prend quelquefois la précaution de faire asseoir au fauteuil de la présidence un irréprochable vieillard à cheveux blancs, justement vénéré ; les cheveux blancs ne manquent jamais leur effet, ils rendent souvent respectable