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le curé, qu’il signale à la haine de l’instituteur, et en même temps il est obligé d’être chaque jour en relations avec l’église, de proposer des évêques à l’institution du saint-père, de nommer des curés ou du moins de les « agréer. » Il doit apparemment veiller au recrutement du clergé et en même temps il propose de dépeupler les séminaires en soumettant au service militaire les jeunes gens qui se destinent au sacerdoce ! Il faudrait cependant sortir de ces confusions et avouer ce qu’on veut, ce qu’on poursuit réellement. Veut-on préparer la séparation de l’église et de l’état ? il y aurait plus de franchise à le dire, à accepter dès aujourd’hui les propositions qui ne manquent pas ; ce serait à discuter, et si ce système est singulièrement périlleux, il y aurait du moins dans la liberté des deux pouvoirs plus de dignité et pour l’état et pour l’église. Veut-on maintenir le concordat ? C’est encore une politique. La question seulement est toujours de savoir ce que signifie Cette « stricte application du régime concordataire, » qui a trouvé place dans la déclaration du gouvernement et que M. le ministre des cultes a reprise pour son compte. Si c’est l’application comme l’entend M. Paul Bert, il n’y a pas à s’y trompé, c’est une guerre de destruction sans dignité, par subterfuge et par passion de parti. Si c’est l’exécution simple et vraie du concordat que veut le gouvernement, en sauvegardant dans la mesure légitime les droits du pouvoir civil, soit ; mais alors la pire des politiques est de paraître vouloir et ne pas vouloir, de laisser tout redouter, de livrer l’exécution d’une loi de concorde, puisque le mot le dit, à un ennemi qui ne déguise pas ses haines, ses ardeurs agressives, même depuis qu’il est entré au pouvoir. M. le président du conseil ne s’est point aperçu qu’en confiant les cultes à M. Paul Bert, il inaugurait son ministère par un acte qui était ou une étourderie, une faiblesse, pour ne pas refuser une satisfaction orgueilleuse à un ami impatient, ou une espèce de défi, d’ostentation d’animosité. Il n’y a que le choix entre les deux explications, car pour de la prévoyance politique, il n’y en a sûrement pas.

Malheureusement M. Gambetta, dans la campagne où il est engagé, n’en est plus à compter les difficultés qu’il s’est déjà créées par ses fautes, par la légèreté de ses choix comme par ses projets, et s’il y avait un embarras qu’il pouvait éviter, c’était bien assurément cette réforme constitutionnelle dont il a fait le premier article de son programme. Il s’est jeté tête baissée, par impatience, par ressentiment, sur cette révision, à laquelle il ne songeait pas quelques jours avant de la proposer. Comment sortira-t-il de là maintenant ? On ne le sait pas encore, il ne le sait pas lui-même, et ce n’est pas vraisemblablement dans cette courte session près de finir qu’il présentera un projet au nom du gouvernement ; mais il peut voir déjà toutes les complications, tous les dangers de cette question si complètement imprévue, par la