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fiscal particulier, et dont il fallait bouleverser les habitudes et les traditions. Ce fut l’œuvre de plusieurs années. Il fallut ensuite donner au royaume une organisation financière en rapport avec les conditions nouvelles de son existence et avec les exigences du régime parlementaire. Une loi de comptabilité générale, mûrement élaborée, a mis en harmonie les décisions rendues à diverses reprises par les chambres : elle a déterminé le mode de préparation et de règlement des budgets de façon à assurer le fidèle emploi des deniers publics et à rendre le contrôle du parlement aussi facile qu’efficace. Cette loi, qui est la clé de voûte du système financier de l’Italie, nous paraît avoir entouré la fortune publique de toutes les garanties que la science et l’expérience ont pu suggérer. Par ses dispositions, elle se rapproche des méthodes suivies en Angleterre et en Belgique bien plus que de nos pratiques françaises : quelques mots de comparaison ne seront donc pas inutiles pour en faire saisir l’esprit et en faire apprécier le mérite.

Notre comptabilité générale a joui d’une réputation méritée ; les grands financiers de la restauration s’étaient appliqués avec succès à perfectionner l’œuvre déjà fort recommandable que l’empire leur avait léguée. Pendant longtemps, aucun des états de l’Europe n’a possédé un ensemble de règles aussi sages, aussi bien comprises, aussi efficaces à prévenir le détournement des moindres sommes, à subordonner toute perception et tout paiement à des justifications incontestables. Notre comptabilité a conservé ces mérites, bien qu’à force de raffiner sur l’interprétation des textes et de multiplier les précautions et les garanties, elle soit arrivée à une réglementation et à un luxe de formalités plus dignes de la Chine que d’une nation civilisée : quiconque contracte avec le gouvernement français doit désormais faire entrer dans ses calculs les pertes de temps et les frais inutiles qu’il lui faudra subir avant d’arriver à être payé de la créance la mieux justifiée. Les autres nations se sont approprié ce qu’il y avait de bon dans notre organisation, en se gardant du formalisme exagéré dans lequel nos administrations sont tombées. Il y a quelques années, dans un banquet offert à M. Gladstone, un orateur, en portant un toast au chancelier de l’Échiquier, avait fait un grand éloge de la comptabilité française. Dans sa réponse, M. Gladstone déclara qu’autant qu’il en pouvait juger, la comptabilité des deniers publics était arrivée en Angleterre à un égal degré de précision et de rigueur. Il aurait pu revendiquer, et nul ne saurait lui contester l’honneur des réformes introduites dans le système financier de nos voisins ; mais en entourant la perception et l’emploi du revenu public des garanties que l’étude lui suggérait, M. Gladstone est demeuré fidèle à l’esprit pratique de nos voisins,