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procuraient les plus-values des recettes. Pour recevoir un emploi improductif, ces plus-values n’en sont pas moins la preuve du progrès des finances italiennes.

Ce n’est point cependant en se bornant à comparer entre eux les chiffres de plusieurs budgets consécutifs qu’on arrive à se faire une idée exacte de la situation des finances italiennes. Ce sont les élémens permanens des recettes et des dépenses qu’il faut dégager et mettre en regard les uns des autres. Si l’on fait ce travail sur le budget de 1882, on constate aussitôt que les recettes ordinaires, produit régulier des impôts, s’élèvent en chiffres ronds à 1,318,300,000 fr., tandis que les dépenses ordinaires, c’est-à-dire les dépenses obligatoires et les dépenses permanentes, ne montent qu’à 1,236,500,000 fr. Les ressources normales de l’Italie excèdent donc de près de 82 millions l’ensemble de ses charges. Ces 82 millions, qui couvrent plus de la moitié des dépenses classées comme extraordinaires et qui sont transitoires, sont une première dotation pour des travaux publics reproductifs, comme les nouveaux chemins de fer, qui viennent augmenter, le domaine utile de l’état, ou comme les travaux de défrichement et d’assainissement qui préparent pour l’avenir de nouvelles matières imposables. Il est regrettable que des préoccupations extérieures, qu’il est impossible de prendre au sérieux, entraînent l’Italie à consacrer à des dépenses militaires d’une utilité douteuse des plus-values qui lui permettraient en quelques années d’alimenter son budget extraordinaire sans recourir à des émissions de rentes dont la continuité est une cause incontestable de dépréciation pour son crédit.

Ne reprochons point trop sévèrement à une nation jeune et jalouse de jouer en Europe un rôle en rapport avec sa grandeur passée, des préoccupations d’amour-propre dont elle accepte allègrement les conséquences financières. Tenons-lui compte des efforts qu’elle a faits et du chemin qu’elle a déjà parcouru. Les détails dans lesquels nous sommes entrés ont dû prouver que l’Italie est en possession d’une législation financière qui entoure la gestion des deniers publics des garanties les plus efficaces et les mieux entendues. L’analyse que nous avons faite des deux derniers budgets montre que les recettes et les dépenses s’équilibrent et que le revenu public est en voie de progrès. Comment l’Italie est-elle arrivée à ce résultat ? C’est là l’histoire instructive que nous nous proposons de retracer.


CUCHEVAL-CLARIGNY.