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nouvelles, à des causes qui méritaient d’être défendues ; peut-être se montrait-il parfois trop absolu dans son attachement à ce qu’il appelait la « vieille politique, » dans ses antipathies contre une entreprise comme la guerre d’Italie. Il avait lui aussi, je pense bien, ses illusions ou ses idées préconçues. En revanche, il ne se trompait pas, il restait le plus exact et le plus clairvoyant des juges, lorsqu’il soumettait à une inexorable analyse les procédés, les inconséquences, les témérités incohérentes de l’empire, et dans ces luttes, il avait vraiment un rôle unique.

Membre de l’opposition, il était en dissentiment avec l’opposition sur quelques-unes des questions qui s’agitaient, particulièrement sur la question italienne. Séparé de la majorité du corps législatif par ses idées libérales, il paraissait cependant parfois exprimer les opinions inavouées, les vœux secrets de cette majorité mieux que les ministres eux-mêmes. Dans cette interversion de tous les rôles, il semblait être un interprète supérieur et indépendant des grands intérêts de l’état demandant avec autant d’autorité que de véhémence au gouvernement ce qu’il avait fait, ce qu’il faisait chaque jour des traditions, de l’influence, des relations, de la position de la France parmi les peuples. M. Thiers demandait compte à l’empire de ce qu’il avait fait ou laissé faire en Italie. Ce n’est point sans doute qu’il restât froid pour l’Italie, qu’il méconnût le droit des Italiens à l’indépendance, le droit des Romains et des Napolitains à être bien gouvernés. Seulement il croyait, et c’est là peut-être qu’il se faisait illusion, il croyait que pour l’Italie tous les biens, les biens essentiels du moins devaient venir d’eux-mêmes, par le cours naturel des choses, avec l’aide sympathique et protectrice de l’Europe. Quant à lui, il ne le cachait pas, il avait été toujours opposé à la guerre de 1859, parce qu’il pensait que cette guerre conduirait à une révolution « pas du tout désirable pour la France, à peine désirable pour l’Italie elle-même, » et ce qu’il reprochait au gouvernement, c’était d’avoir fait une campagne sans savoir ou il allait, pour laisser ensuite toute liberté à l’imprévu, pour rester le lendemain à la merci des événemens.

Il reprochait à l’empire d’avoir faussé toute notre politique en l’enchaînant à l’Italie, en subordonnant les intérêts français aux intérêts italiens, en s’exposant à affaiblir, à détruire peut-être l’Autriche, en nous enlevant par cela même la plus utile, la plus précieuse des alliées dans les affaires d’Orient et d’Allemagne. Première faute d’imprévoyance diplomatique. — Seconde faute : M. Thiers approchait à l’empire de s’être laissé entraîner à soulever une de ces questions devant lesquelles les gouvernemens sensés reculent, la question religieuse, la question du pontificat romain, et ici naturellement, il ne s’inspirait pas du dogme, de la foi d’un croyant ; il