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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/842

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premières victoires, qui était déjà en pleine France. L’empire se sentait frappé à mort, non pas absolument parce qu’il avait éprouvé des revers, mais parce que ces revers semblaient être l’œuvre de son imprévoyance. Il expiait par la perte soudaine de tout prestige et il faisait expier à la France les fautes du règne. Tout se relevait à la fois contre lui, et les souvenirs de son origine, et ses excès d’arbitraire suivis de résipiscences tardives, et ses expéditions inutiles et les meurtrières erreurs de sa diplomatie. Je ne dis pas que dans cette explosion de ressentimens, de passions politiques, il n’y eût une dangereuse complication faite pour compromettre la marche de la guerre elle-même. C’était malheureusement à peu près inévitable. A partir du 7 août, on essayait de se débattre encore, il est vrai : on changeait quelques commandemens, on changeait le ministère, on réunissait en toute hâte le corps législatif, on formait un comité de défense. En réalité, il n’y avait plus de direction militaire, il n’y avait plus de gouvernement, il n’y avait plus d’empire !

Plus d’une fois, pendant ces jours cruels, aux Tuileries, où l’impératrice était restée seule, tandis que l’empereur errait d’un camp à l’autre, on avait cherché de tous côtés quelque appui, et aux approches des dernières extrémités, on avait l’idée de s’adresser à M. Thiers. Un galant homme déjà mourant, ami dévoué et désintéressé de la souveraine, Prosper Mérimée, se chargeait d’aller auprès de M. Thiers pour lui dire qu’on n’avait d’autre préoccupation que celle du pays, qu’on le savait « bon citoyen ; » on faisait appel à ses conseils, peut-être à son concours. M. Thiers ne pouvait évidemment plus rien dans une situation déjà perdue. Si respectueux qu’il fût pour l’infortune, il ne pouvait oublier que, depuis des années, il luttait de toute la force de sa raison et de sa parole contre un régime qui, selon lui, préparait les malheurs de la France : ces malheurs, il les avait prévus, il avait voulu les détourner, il n’avait pas été écouté, — et maintenant on lui offrait de prendre sa responsabilité dans les désastres ! Que lui demandait-on d’ailleurs ? Des conseils, il n’y avait plus à en donner ; de sa part, ils paraîtraient toujours suspects, et il ne les donnerait pas lui-même « avec tranquillité. » Tout ce qu’avait pu faire M. Thiers, dans ces momens terribles, avait été d’accepter, avec une délégation de la chambre, une place dans le comité de défense. Il s’y était donné tout entier. Il prodiguait ses efforts avec le général Trochu, avec le général de Chabaud-Latour, et cette fois encore inutilement, pour rappeler sous Paris l’armée du maréchal de Mac-Mahon, qui allait s’engouffrer à Sedan. Tous les matins, avant de se rendre au corps législatif, il allait visiter les fortifications, les nouveaux travaux de défense, et en reconnaissant, en constatant ce qu’on faisait pour mettre Paris en état de tenir tête à l’ennemi, il revenait chaque jour consterné de voir tout