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réputation et le talent attiraient de nombreux élèves : La Harpe, Fontanes, Ginguené, Rœderer, Cabanis, Laromiguière, Guéroult, Binet, Daunou, Saussure, Cuvier, pour ne citer que les plus connus. Avec de tels maîtres, le succès des écoles centrales de la Seine était. certain, et il fut, en effet, très vif[1].

Mais si vif qu’il ait été, il ne prouve rien en faveur des autres. Il serait même difficile d’établir une comparaison tant soit peu fondée entre ces écoles et celles des départemens. Les cours professés par La Harpe, Laromiguière ou Daunou ne ressemblaient que de fort loin à ceux de leurs collègues de province. C’étaient de véritables cours d’enseignement supérieur auxquels se pressait une jeunesse privée par la suppression des collèges et de l’Université de Paris de toute ressource intellectuelle. L’École polytechnique y recrutait ses meilleurs sujets ; et plus d’une couronne y fut gagnée par des hommes qui devaient être un jour l’honneur des belles-lettres ; M. Naudet, entre autres, figure sur le palmarès de l’école du Panthéon (an X) pour le premier prix de composition latine.

Les écoles centrales proprement dites, celles des départemens, n’eurent ni cet éclat, ni cette prospérité. L’exemple de Besançon, souvent invoqué par leurs défenseurs[2], ne prouve qu’une chose, c’est qu’il se rencontra dans le nombre quelques administrations départementales et quelques jurys d’instruction plus actifs et plus vigilans que les autres, qui surent tirer parti d’une loi défectueuse et fonder le crédit de leurs établissemens. L’exception confirme ici la règle et l’on ne peut guère, à moins de parti-pris, s’empêcher de trouver bien médiocres et bien accablans les résultats que nous venons d’indiquer. Si les écoles centrales avaient duré, elles auraient peut-être formé des générations sachant très bien le dessin linéaire ; il est au moins douteux qu’elles eussent produit beaucoup de savans et de lettrés.


II

Des autorités préposées à la surveillance des écoles centrales : administrations départementales et jurys d’instruction. — Après

  1. A l’exception du cours de législation, qui n’était pas plus suivi dans les écoles de Paris que dans celles des départemens. Voir à ce sujet, F 17 2999, une lettre du citoyen Grivel, professeur de législation a l’école centrale des Quatre-Nations, au ministre de l’intérieur, où ce professeur se plaint de n’avoir jamais eu plus de neuf à douze élèves à son cours.
    Nous n’avons pu retrouver aucun des états fournis par l’administration départementale de la Seine au ministère de l’intérieur ; mais il résulte d’un document émané de cette administration qu’il y avait environ trois- cents élèves dans chacune des écoles centrales de la Seine. (Voir Schmidt, Tableaux de la révolution, p. 287.)
  2. Lacroix, Essais sur renseignement (1802) ; Despote, le Vandalisme révolutionnaire.