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les élèves, ce qui manqua le plus aux écoles centrales, ce fut une direction. On a souvent reproché à la révolution d’avoir été centralisatrice à l’excès : on pourrait bien plutôt, en matière d’enseignement, lui adresser le reproche contraire. Elle ne sut pas, à proprement parler, créer une administration de l’instruction publique. La convention elle-même n’y réussit pas. Dès le principe, elle avait, on l’a vu, donné des pouvoirs très étendus à son comité d’instruction publique ; plus tard et à diverses reprises, elle lui avait adjoint des commissions spéciales (commission des neuf, des six, exécutive) chargées celle-ci de veiller à l’application des lois, celles-là d’en élaborer de nouvelles. Malheureusement, quels que fussent le zèle de ces commissions et la compétence d’un comité qui comptait au nombre de ses membres des Lakanal et des Daunou, ils manquaient absolument des moyens indispensables à un gouvernement pour diriger la chose publique, et toute leur bonne volonté n’avait pu triompher de l’incurie des autorités locales auxquelles le législateur avait eu l’imprudence de remettre le sort des écoles.

Les cinq représentans envoyés en mission dans les départemens[1] n’avaient pas été plus heureux. Ils étaient surtout demeurés impuissans à recruter le personnel enseignant, qui presque partout faisait défaut. L’un d’eux écrivait à la convention le 22 floréal an III pour se plaindre de la pénurie de maîtres et d’élèves et l’engager « à faire paraître une proclamation invitant tous les hommes capables à se charger des fonctions de professeurs[2]. » Ce même représentant, nommé Dupuis, voyait fort justement « dans la trop grande multiplicité des écoles centrales une cause d’insuccès. » « L’esprit public, ajoutait-il, est gâté par les prêtres réfractaires et les déportés. Ces derniers passent de Suisse en France avec facilité, car les paysans leur fournissent un asile ; .. la déportation devrait se faire dans les régions lointaines et non dans la Suisse, qui est contiguë aux départemens que les déportés habitent. » C’était envisager la question à un point de vue singulièrement étroit ; les écoles

  1. Décret du 18 germinal an III :
    Lakanal, au nom du comité d’instruction publique, propose, et la convention adopte le décret suivant :
    Art. 1er . — Pour assurer la prompte exécution des lois relatives à l’instruction publique, il sera envoyé dans les départemens cinq représentons du peuple nommés par la convention nationale sur la présentation du comité d’instruction publique ;
    Art. 2. — Ces représentans seront investis pour l’objet de leurs missions des pouvoirs dont sont revêtus les autres représentans du peuple dans les départemens ;
    Art. 3. — Les cinq arrondissemens affectés aux représentans nommés sont déterminés par arrêté du comité d’instruction publique ;
    Art. 4. — Les représentans nommés se concerteront avant leur départ avec le comité d’instruction publique et entretiendront avec lui une correspondance suivie pendant la durée de leur mission.
  2. Archives nationales, F 17 1694.