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DÉPARTEMENT DE L’AIN.

« Article 1er . — Dans le délai d’un mois de la publication du présent article, les citoyens qui voudront se dévouer à l’enseignement feront parvenir au jury d’instruction publique leurs noms, leur âge et le lieu de leur demeure.

« Art. 2. — Ils feront connaître l’état qu’ils avaient avant la révolution, la profession ou les emplois qu’ils ont exercés depuis. Ils indiqueront à quelle partie de l’enseignement ils voudront se livrer, et pour mettre le jury en état d’apprécier leur mérite, ils sont invités à lui faire parvenir des mémoires simples et précis sur les principes et l’utilité des sciences qu’ils voudront enseigner et sur la méthode qu’ils comptent suivre, ou bien encore les notes des ouvrages dont ils seraient les auteurs, ou les extraits de ce qu’ils auraient composé en différens genres, en un mot tout ce qu’ils croiraient capable de mettre le jury à portée de les apprécier…

« Art. 3. — Ils établiront les preuves de leur attachement aux principes de la révolution et à la cause de la liberté. Le jury déclare qu’il ne portera jamais aux chaires nationales des hommes qui se seraient montrés les ennemis de leur pays ou dont le civisme serait équivoque.

« Art. 4. — Les citoyens qui indiqueront au jury des hommes patriotes et capables d’enseigner désigneront en même temps à quel titre ils peuvent mériter une chaire de l’école centrale, la partie de l’enseignement à laquelle ils les croiront les plus propres et les motifs qui portent à croire qu’ils pourront s’y livrer.

« Art. 5. — Dans le cas d’un mérite égal, le jury n’accordera de préférence qu’à des pères de famille, à des victimes de l’oppression et de l’abus du pouvoir, à des hommes qui auraient souffert pour la cause de la liberté ou combattu pour elle. »

Et qu’on ne croie pas que cette façon excentrique de faire passer les examens, par correspondance, fût propre à quelques jurys seulement. Une loi votée le 1er  germinal an IV par le conseil des cinq cents en généralisa la coutume. En voici la teneur :

« Les jurys d’instruction établis par la loi du 3 brumaire dernier peuvent élire, malgré leur absence, les sujets que, sur la notoriété publique et les preuves antérieurement faites, ils jugeront en leur âme et conscience être les plus propres à remplir les places de professeurs aux écoles centrales. »

Telle était la procédure[1] suivie par la plupart des jurys

  1. On devine aisément ce qu’un pareil système devait entraîner d’abus : au témoignage des membres du conseil d’instruction publique institué par François de Neufchâteau, un tiers à peine des professeurs de langues était en état d’enseigner le grec, et beaucoup n’écrivaient qu’imparfaitement l’orthographe.
    Dans une lettre adressée par le professeur de langues anciennes de Lot-et-Garonne à François de Neufchâteau, le 15 prairial an VII, je lis ce qui suit :
    « Je ne connais l’état que de deux écoles centrales de la république, celle de Bordeaux, que j’ai observée pendant deux ans, et celle d’Agen, où je me trouve actuellement ; mais je puis vous déclarer que, si toutes les autres écoles de la république ressemblent à celles-ci, les études doivent y être dans l’état le plus pitoyable, vu la désertion où se trouvent la plupart des classes. Car à l’exception de celles de dessin et de mathématiques, toutes les autres sont presque sans élèves, et encore celle de mathématiques n’est pas à beaucoup près aussi suivie que celle de dessin.
    « J’ai lu dans le prospectus d’une école cette étrange annonce : — « Un tel jour commencera le cours de la grammaire générale française. » Arch. nat. F 63012.