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voulait forcer Kléber à « marcher à l’ennemi majestueusement et en ordre. » Les jurys d’instruction n’étaient pas uniquement composés de Léchelles, cependant ils comptaient beaucoup d’ignorans qui suppléaient par une grande présomption à ce qui leur manquait d’expérience professionnelle ! et qui traitaient volontiers les questions d’enseignement comme les représentans de la convention aux armées traitaient la stratégie.

Il faut voir, en effet, comment ils s’acquittaient de la plus délicate de leurs fonctions, c’est-à-dire des examens. Nous citerons à ce sujet deux pièces curieuses émanées des jurys d’instruction de la Charente et de l’Ain[1] :


DÉPARTEMENT DE LA CHARENTE.

« Le jury d’instruction publique du département de la Charente chargé d’élire les professeurs pour les écoles centrales de ce département, conformément à la loi du 3 brumaire dernier, jaloux de ne confier ces places importantes qu’à des hommes sages, dignes d’en remplir les fonctions, s’est occupé des divers modes d’examen qu’il pouvait employer pour s’assurer du mérite et du. degré de capacité des candidats, écarter l’insuffisance et l’immoralité.

« Il a considéré que, si un concours public semblait par son éclat intéresser davantage les citoyens à un établissement aussi précieux, il avait des inconvéniens majeurs en ce que la nécessité d’un déplacement jointe à l’incertitude du succès pouvait détourner plusieurs habitans de se présenter ; que d’ailleurs dans ces sortes de joutes, le vrai savant le citoyen vertueux et modeste pourrait être humilié par la médiocrité masquée sous une loquacité imposante.

« Le jury s’est donc déterminé, après les plus sérieuses réflexions, à rejeter cette forme d’examens comme pouvant induire en erreur et tromper l’attente publique. Il a préféré un mode adopté dans plusieurs autres départemens qui lui a para de voir procurer un plus grand nombre de concurrens et donner une mesure plus exacte de l’étendue de leurs connaissances.

« En conséquence, il invite les citoyens instruits dans les sciences, les lettres et les arts qui se dévouent à l’instruction publique de lui adressée sous le couvert de l’administration départementale un programme raisonné sur la manière dont ils se proposent de traiter la partie à laquelle ils se destinent, d’y joindre des certificats authentiques de leurs connaissances acquises, la durée et le nombre de leurs travaux antérieurs, mais principalement de Leur moralité.

« Les membres du jury, « Signé : CHANCEL, DESMAZEAUD. »

  1. Archives nationales, F 17 3012 et 3000.