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président du conseil avait suivie jusque-là, Il fallait que le Reichstag ne laissât subsister aucun doute sur la volonté du peuple allemand de ne pas reculer devant la guerre si l’on persistait à vouloir arracher à l’Allemagne une province frontière comme aux époques néfastes de son histoire. Ce serait une tache impossible à laver. M. de Bennigsen rappelait le mot du roi : que de son consentement, jamais un village ne serait arraché au sol allemand, et il ajoutait que, si le roi devait faire appel au patriotisme germanique, il trouverait autour de lui, vis-à-vis de l’étranger, une nation unie et résolue.

Le parti libéral, en entendant son chef de file le prendre de si haut avec la France au sortir de ses conciliabules avec le président du conseil, se livrait à un enthousiasme tumultueux ; il trépignait, il délirait. Il avait à racheter ses péchés, à faire oublier son opposition factieuse à l’époque du conflit parlementaire, à se faire pardonner les outrages dont il avait abreuvé le roi et son ministre lorsqu’ils préparaient la conquête. Il manifestait le patriotisme du lendemain, celui que le succès inspire aux âmes étroites et changeantes.

M. de Bennigsen avait bien rempli son rôle. Il rendait à M. de Bismarck, la réplique facile par des exagérations qui ne pouvaient que rehausser la modération de son langage. Il lui avait facilité le moyen d’abriter sa responsabilité personnelle derrière un Non possumus parlementaire. Sa réponse fut courte et mesurée. Il ne se souciait pas d’admettre dans l’intimité de la communauté fédérale des populations peu sympathiques et un souverain dont les intérêts pouvaient se trouver en contradiction avec ceux de la Confédération du Nord. S’il était permis à une assemblée délibérante de donner libre cours à l’expression de ses sentimens patriotiques, le langage et les traditions de la diplomatie faisaient un devoir au gouvernement de respecter les convenances internationales, et de ne pas blesser les susceptibilités d’un voisin égal en puissance avec lequel, tant qu’il ne porterait pas atteinte à l’honneur national, il importait d’entretenir d’amicales relations.

Le gouvernement du roi savait que des négociations étaient pendantes à La Haye, qu’il était question de signer un traité de cession, mais il ne lui était pas permis d’affirmer qu’il fût signé ni quand il le serait. Le roi grand-duc avait cru de voir demander conseil au roi par l’entremise du comte Perponcher, mais sa majesté lui avait répondu qu’elle lui laissait la responsabilité de ses actes et qu’avant de se prononcer, elle aurait à consulter les signataires du traité de 1839, à s’entendre avec ses confédérés et à compter avec l’opinion publique, dont le parlement était l’organe autorisé.