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seconde région commence une série de plateaux et de collines qui s’abaissent par ondulations progressives jusqu’aux rives plates du Danube. Au centre de cette contrée s’étend une vaste plaine traversée du nord au sud par des collines de 500 à 600 mètres d’élévation, collines aujourd’hui dénudées, autrefois couvertes de bois épais. C’est le Schoumedia, berceau sacré de la résistance des Serbes contre les Turcs. Dans les vallées, à côté de terres où croissent abondamment le froment et le maïs, dorment des marais sombres d’une grande étendue, infestés de sangsues. Sur les coteaux qui couronnent la rive droite du Danube, vers Semendria, on voit également d’immenses vignobles dont la tradition fait remonter la plantation à Probus, l’empereur romain, originaire de la Serbie autrichienne. Mais c’est surtout à l’endroit où la Morava débouche sur le Danube que le pays est remarquable par sa fécondité. Les chênes et les hêtres ont disparu pour céder la place à des cultures et à des vergers riches en arbres fruitiers de toute sorte. Cette plaine de la Grande-Morava, unie à celle de la Kraïna, sur les bords du Timok, et à la vallée de la Matchva, qui se trouve entre la Save et la Drina, constituent les régions les plus fertiles de la Serbie. Elles en sont les inépuisables greniers.

Malgré sa basse latitude, la Serbie n’est pas aussi tempérée qu’il semble permis de le supposer. En hiver, le thermomètre descend à 20 degrés et s’élève par momens en été au-dessus de 33 degrés. Toutefois, le pays est sain, magnifique d’aspect, avec son horizon de montagnes aux cimes bleuâtres, ses profondes ravines toujours verdoyantes et ses torrens qui, sans interruption, se jettent en grondant dans la Save et la Morava. Quand, du haut du Roudnik, on peut assister à un lever de soleil, rien n’est plus saisissant que le spectacle de la naissante lumière de l’astre refoulant au loin les blanches vapeurs du matin, jetant un reflet d’or sur le feuillage des forêts, éclairant de nombreux villages d’où sortent des pâtres, des laboureurs, de blondes jeunes filles serbes au bonnet grec écarlate.

Il y a peu de cours d’eau longtemps navigables en Serbie, à l’exception, bien entendu, de la Save et du Danube. La Grande-Morava, qui reçoit de nombreux affluens et qui est formée, ainsi que nous l’avons dit, de la Morava serbe et de la Morava bulgare, traverse en entier la Serbie. La Morava serbe prend sa source à l’ouest, et s’échappe de la gorge sauvage qui sépare les monts Kablar et Owtschar ; la Morava bulgare sort des vastes marais qui, au sud, s’étendent au pied de la montagne Tarnagura, non loin du fameux champ de bataille de Kossovo ou champ des Merles, là, où, en 1389, s’effondra l’empire de la vieille Serbie. La jonction des deux rivières se fait à Stalatatsch.

Si la grande Morava n’est pas d’une sérieuse utilité pour la