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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/929

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de concorde. C’est la vie des peuples pasteurs de l’antiquité, se perpétuant, au XIXe siècle, malgré de sanglantes persécutions, dans une des parties les plus ignorées de l’Europe.

Un village serbe se compose d’un certain nombre de maisons divisées en inokosta, c’est-à-dire en maisons où il n’y a que deux ou trois ménages, et en zadrouga, maisons où il y en a beaucoup plus. M. Vouk, dans son Dictionnaire serbe-allemand-latin, cite une famille composée de soixante-deux personnes. On y pouvait voir treize femmes avec leurs maris, deux veuves, mille quatre cents moutons et chèvres, cinquante bœufs, quatorze chevaux, etc. Chaque famille a son starechina ou chef exerçant sur la communauté l’autorité morale des anciens patriarches. La femme du chef, staréchitsa, vénérée, obéie, administre l’intérieur des maisons. Si un starechina a plusieurs enfans et qu’il se sente devenir trop vieux pour gérer la communauté, il choisit le plus sage de ses fils et lui délègue l’autorité paternelle. Si un chef meurt sans désigner un successeur, l’un des enfans cherche, par une conduite sensée et prudente, à prendre la place du défunt. Réussit-il, sa famille et même ses frères quoique plus âgés que lui, prennent l’engagement d’exécuter ses ordres. Ce sera donc ce fils, le plus méritant, qui, la veille de chaque dimanche, commencera les prières récitées en commun, ce sera lui qui, seul entre tous, sera autorisé à manger avec l’étranger qu’un heureux hasard aura conduit au village.

Chaque dimanche, de quatre à cinq heures du soir, en plein air, a lieu, dans chaque village, une skoupe ou réunion des vieillards et des chefs. On y juge publiquement les différends de la semaine écoulée, et l’on y délibère aussi sur les mesures à prendre dans l’intérêt du plus grand nombre. Communication y est faite des ordres du gouvernement et des nouvelles lois, chaque chef de famille les communique ensuite en rentrant chez lui aux personnes de sa maison. Comme cela se pratique dans nos campagnes, les habitans se réunissent pour travailler sans salaire les uns pour les autres. Pendant la durée de certaines fêtes religieuses, il n’est même pas permis de s’occuper, ni pour soi, ni pour autrui, contre salaire, mais on peut employer gratuitement son temps à aider un voisin dans la gêne. Des familles, trop peu nombreuses pour achever seules leurs travaux, vont ces jours-là appeler d’autres familles à leur aide, soit pour faucher, soit pour moissonner. Le soir venu, les récoltes étant dans les granges, garçons et jeunes filles se rendent en chantant chez ceux qu’ils ont assistés ; ils y font un grand repas mêlé de musique et de danse.

Chez les Serbes comme chez beaucoup de peuples anciens, les enterremens sont suivis de copieux et fréquens dîners. Outre le repas qui suit immédiatement la cérémonie des funérailles, il y en a