discrétionnaires et d’autorité usurpatrice qui s’est trop souvent manifestée depuis quelques années, depuis que les républicains qui ne sont plus des modérés ont pris définitivement la direction des affaires du pays. Que nos chefs d’aujourd’hui ou d’hier se montrent jaloux de revendiquer, d’exercer les droits du pouvoir exécutif, qu’ils ne se laissent pas aller à cette faiblesse de croire que sous la république le gouvernement doit être désarmé et impuissant, rien de mieux. Ils s’aperçoivent maintenant que, sous tous les régimes, le gouvernement a ses conditions et ses nécessités, soit ; mais il est bien clair que, depuis quelques années, ils ont par trop procédé avec le zèle de nouveaux convertis, et, sous prétexte d’assurer à la république les avantages d’une autorité forte, ils font trop souvent ce qu’ont à peine osé faire les gouvernemens qui les ont précédés.
Certainement, il y a eu dans ces derniers temps, dans bien des genres, des actes que les gouvernemens du passé auraient hésité à se permettre, que la passion de parti seule a pu absoudre, et, s’il y a un exemple de la facilité avec laquelle on se laisse aller aux procédés discrétionnaires, c’est cette expédition de Tunisie, qui vient de comparaître encore une fois devant le sénat. Ce qu’il y a de plus étrange, à ne parler que du côté financier de l’expédition, c’est l’espèce de candeur avec laquelle on a accumulé les irrégularités sous toutes les formes et sous tous ces noms de crédits de provision, d’imputations provisoires. Il faut liquider aujourd’hui, rien de plus certain. Il n’en est pas moins positif, — les lumineuses et fortes discussions de M. le duc de Broglie, de M. Bocher, de M. Buffet l’ont montré, — qu’on s’est lestement passé du parlement tant qu’on l’a pu et qu’on a pris avec le budget les plus singulières libertés. Le nouveau ministre des financés s’est cru obligé, on ne sait pourquoi, d’accepter une certaine part de solidarité dans ce dangereux système d’imputations provisoires, de crédits de provision, — en ajoutant, il est vrai, qu’on ne recommencerait plus. C’était après tout un aveu des fautes du passé déguisé sous une promesse pour l’avenir. Là aussi sans doute les crédits ont dû être votés, l’argent a même été accordé sans difficulté ; mais évidemment là aussi l’avantage moral est resté à ceux qui ont défendu les droits du parlement. En réalité, au sénat comme à la chambre des députés, dans l’affaire des crédits tunisiens comme dans l’affaire des crédits ministériels, dans ces deux discussions d’où M. le président du conseil n’est pas sorti sans blessure, la question est la même. Il y a toujours deux politiques en présence, — la politique d’expédiens, d’abus discrétionnaires que le gouvernement a trop souvent suivie jusqu’ici, et la politique de libéralisme, de légalité parlementaire, M. le président du conseil, malgré les atteintes qu’il a reçues depuis un mois, peut encore sans doute faire un choix : la question est de