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en quelques pages tracées d’une main habile à tenir la plume comme l’épée, et qu’un critique éminent a eu raison de proposer comme l’un des modèles de l’art historique dans les temps modernes. L’état politique, financier, militaire et moral de chacune des puissances y est décrit dans un résumé qui, bien qu’aussi concis qu’il est substantiel, fatiguerait pourtant encore, j’en ai peur, l’attention de plus d’un lecteur de nos jours. Je me bornerai donc à emprunter à ce merveilleux exposé ce qui est nécessaire pour l’intelligence des faits, en y ajoutant seulement ce que le contemporain le mieux informé n’a pas toujours pu savoir, ou ce qu’un politique trop intéressé pour être tout à fait impartial n’a pas toujours eu la bonne foi de reconnaître.

J’ai déjà fait comprendre par quelle raison l’opposition la plus vive que devaient rencontrer en Allemagne la politique de la France et son représentant était celle de l’Angleterre, et, de ce côté, l’hostilité étant certaine, il semble que le négociateur le plus habile eût perdu son temps à vouloir la conjurer. Les effets mêmes en paraissaient d’autant plus prochains que le roi d’Angleterre, en qualité de souverain du Hanovre, disposait lui-même d’une des neuf voix du collège électoral. Chose singulière, c’était pourtant cette circonstance même, cette double couronne placée par accident sur une même tête, qui, sans désarmer les inimitiés britanniques, pouvait en ralentir, ou, pour quelque temps même, en paralyser l’action. Il s’en fallait en effet que les intérêts du roi d’Angleterre fussent de tout point conformes à ceux de l’électeur de Hanovre. Le roi, en qualité de chef d’une grande nation rivale de la France, était un auxiliaire naturel pour la candidature de l’époux de Marie-Thérèse ; l’électeur, au contraire, par tradition de religion et de famille, appartenait à la ligue des petits princes protestans d’Allemagne, adversaires nés de la prépondérance autrichienne.

Il semble qu’entre deux ordres de considérations d’importance si inégale l’hésitation ne fut pas possible. Le contraire pourtant est attesté par tous les contemporains. Sans se montrer indifférons au magnifique héritage que le hasard d’une révolution leur avait dévolu, mais craignant toujours de le perdre de même par un retour de la fortune, les deux premiers souverains anglais de la maison de Brunswick restèrent toujours attachés par le fond du cœur au modeste patrimoine de leurs aïeux. Leurs regards étaient sans cesse tournés vers ce berceau de leur grandeur, où ils revenaient périodiquement, chaque année, chercher le charme des souvenirs et subir l’empire des habitudes. Ce point de vue étroit les détourna plus d’une fois de leurs nouveaux et plus impérieux devoirs. Dans le cas présent, la crainte de compromettre dans une lutte douteuse ce petit électorat, pays plat et tout ouvert, fait exprès pour devenir le champ de