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Se contenant cependant par l’avis de ses partisans, elle répondit à l’adresse des états par un message où quelques-unes des propositions étaient acceptées et d’autres atténuées de manière à les rendre supportables[1].

L’effet de cette modération ne répondit pas aux espérances qu’on lui avait fait concevoir. La lecture du message, faite aux deux chambres réunies par le protonotaire palatin, fut accueillie par des huées ironiques et suivie d’un véritable tumulte. Des voix confuses, s’élevant de tous les points de la salle, répétaient qu’on n’avait qu’à s’en aller puisqu’on n’obtenait rien, qu’il était inutile de faire venir les gens pour se jouer d’eux, que la reine s’en tirerait comme elle pourrait avec ses conseillers allemands, puisque, décidément, comme son père et son aïeul, elle n’avait confiance qu’en eux. Pendant plusieurs jours, les séances répétées de la diète ne présentèrent qu’un spectacle de confusion. Au dehors même, le vieil esprit d’insubordination paraissait se réveiller ; des pamphlets, des vers satiriques, des caricatures circulaient dans la ville, dirigés d’abord contre les ministres, mais où bientôt la personne royale elle-même ne fut pas ménagée. Les propos tenus dans les lieux publics étaient alarmans ; quelques jours de plus d’un pareil état et le séjour de Presbourg n’eût plus présenté aucune sécurité.

Ge fut à ce moment même, dans les premiers jours de septembre, au milieu de cette agitation croissante, qu’arrivèrent coup sur coup de la capitale d’abord, puis de tous les points de l’Europe les plus désastreuses nouvelles : trois armées ennemies en marche, l’Autriche envahie, Vienne menacée, la Suède en armes, l’Angleterre défaillante. L’orage éclatait de toutes parts sur la tête de la malheureuse femme pendant que le terrain se dérobait sous ses pas. Par momens, sa santé semblait fléchir. Bien que son dernier enfant, le petit archiduc Joseph, n’eut encore que six mois, elle se préparait déjà aux épreuves d’une maternité nouvelle, et elle s’écriait en fondant en larmes : « Je ne sais s’il me restera un lieu sur la terre où je puisse faire mes couches. » Puis, rappelant son courage et se relevant : « Je ne suis qu’une pauvre reine, disait-elle, mais j’ai le cœur d’un roi ! »

C’est alors qu’on put voir quelles illuminations soudaines jaillissent parfois d’une grande âme. Avec la perspicacité qu’ont souvent les femmes, Marie-Thérèse avait remarqué que, de tous les griefs qui irritaient ses indociles sujets, celui peut-être dont ils parlaient le moins, mais qui les blessait le plus au vif, c’était la crainte qu’on témoignait de les voir en armes et d’admettre leurs contingens dans les troupes impériales avec leur organisation propre et sous leurs chefs nationaux. Sur ce point, les ministres allemands

  1. D’Arneth, t. I, p. 289.