Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme soutenant le double étalon. » Après cette double déclaration, la conférence aurait pu se dissoudre. Il était bien évident qu’il n’y avait rien à faire et qu’on ne pourrait pas redonner à l’argent son ancienne valeur tant que la porte lui resterait fermée dans deux des principaux états de l’Europe, dont l’un, l’Angleterre, est le plus puissant au point de vue commercial, celui où se règlent le plus grand nombre des transactions internationales. Néanmoins, comme on était venu des divers points de l’Europe et de l’Amérique, peut-être un peu légèrement, pour parler de la question monétaire et qu’il y a toujours plaisir à prolonger son séjour à Paris, on continua à se réunir quand même et à discuter au moins pour l’honneur des principes.

D’excellens discours ont été prononcés dans les deux sens : en faveur de l’étalon unique d’or, par M. Pirmez, délégué de la Belgique, par M. Broch, délégué de la Norwège et par M. Burckhard-Bischoff, délégué de la Suisse ; M. Pirmez notamment semble avoir épuisé la question la première fois qu’il a pris la parole, et il ne lui a jamais été répondu d’une façon concluante. Nous citerons parmi les discours dans le-sens contraire ceux de MM. Cernuschi, Denormandie et Dumas, délégués de la France, de M. Luzzatti, délégué de l’Italie, de M. Dana-Horton, délégué de l’Amérique. Mais ces derniers discours, quelque habiles qu’ils pussent paraître, étaient frappés d’impuissance devant l’opposition de l’Allemagne et de l’Angleterre. Ce n’est pas, à la vérité, que des efforts considérables n’aient été faits pour désarmer l’inflexibilité de la première de ces puissances. Ah! si l’on avait eu l’Allemagne avec soi, on aurait peut-être passé outre, malgré le mauvais vouloir de l’Angleterre, avec la pensée qu’on la rallierait un jour. Pour désarmer l’Allemagne, on est allé jusqu’à offrir de lui rembourser les frais qu’elle avait dû faire et les pertes qu’elle avait subies pour passer d’un système monétaire à l’autre, de l’étalon d’argent à l’étalon d’or, frais qu’on évaluait largement à 100 millions ; les autres peuples, en vue du grand bienfait qui serait résulté pour eux du retour de l’Allemagne au bimétallisme, se seraient cotisés pour fournir cette somme. Cette proposition, il est vrai, n’a pas eu grand succès : d’abord parce qu’elle était quelque peu fantaisiste, nullement justifiée; ensuite parce que ce n’était pas une considération de cette nature qui pouvait faire sortir l’Allemagne de son système monétaire actuel. Il a donc fallu renoncer à avoir cette puissance avec soi.

La plupart des défenseurs du double étalon sont allés chercher les causes de la dépréciation de l’argent dans des considérations accessoires; ils l’ont attribuée à l’adoption de la monnaie d’or par l’Allemagne en 1872, à l’interdiction de la frappe du métal blanc, qui en fut la conséquence dans le groupe de l’union latine, c’est-à-dire