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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/410

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Sans doute, le lendemain de cette surabondance, les débiteurs pourront plus aisément payer leurs dettes; s’ils sont détenteurs de marchandises, fabricans ou commerçans, ils obtiendront en échange de ces marchandises plus de pièces blanches ou jaunes, et ils n’en auront pas davantage à donner à leurs créanciers ; le gain sera tout entier pour eux. Mais tout le monde n’est point commerçant ou fabricant et n’a pas de marchandises à vendre; il y a les salariés, les employés, les fonctionnaires. Les salariés (et ce sont les plus nombreux dans la société), ne seront pas du jour au lendemain mis en mesure de gagner davantage. Cela arrivera peut-être plus tard, et graduellement, mais, en attendant, ils recevront la même somme comme salaire, pour acheter à un prix supérieur les choses nécessaires à leur existence; de là des souffrances. Quant aux employés, aux fonctionnaires, le préjudice qu’ils éprouveront sera encore plus certain et plus durable; ils ne recevront pas de longtemps la compensation de la dépréciation qu’aura subie l’instrument d’échange ; sans remonter aux temps anciens, nous avons vu ce qui s’est passé dans ce siècle-ci, depuis la découverte des mines d’or de la Californie et de l’Australie. On ne peut pas dire que, aujourd’hui encore, les employés, les fonctionnaires aient un traitement qui soit en rapport avec la dépréciation relative des métaux précieux et l’élévation du prix de choses. L’état est celui qui a le plus d’employés pourquoi augmenterait-il leurs traitemens? Il est le premier à perdre à la dépréciation des métaux précieux, et il n’a aucun moyen de compenser ses pertes : il n’est ni marchand, ni fabricant ; il recevra toujours la même somme comme impôts pour payer aussi la même somme, il est vrai, aux rentiers, mais cette somme n’aura plus la même valeur pour tout ce qu’il est obligé d’acheter, car l’état, qui n’est pas en général un producteur, est au contraire un très grand consommateur; et c’est à peine si, pendant longtemps, il trouvera dans la plus-value de la richesse publique l’équivalent du renchérissement général. On comprend que, dans ces conditions, il ne soit pas pressé d’augmenter le traitement de ses fonctionnaires.

La dépréciation des métaux précieux, ou plutôt leur moins-value par rapport aux autres marchandises, tient à deux causes que l’on confond souvent et qu’il importe de distinguer, parce qu’elles ont des effets différens. Il y en a une d’abord qui tient au développement général de la richesse. On est plus riche, on consomme davantage, et comme il y a des produits, tels que les denrées alimentaires, par exemple, qui ne se multiplient pas aussi vite que la consommation peut se développer, il en résulte un renchérissement qui est tout naturel et dont on ne doit au fond que s’applaudir, car c’est la preuve qu’il y a plus de besoins satisfaits et plus d’aisance répandue. Lorsque l’augmentation des prix a ce caractère, tout le