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âge pour trouver en Allemagne des œuvres qui se recommandent d’elles-mêmes, comme celle d’Adam Krafft et de Veit Stoss, comme la châsse de saint Sébald de Pierre Vischer, ou comme ces têtes d’un réalisme si saisissant qu’elles semblent moulées sur nature et qui sont dues à un maître d’Augsbourg, Tielmann Riemenschneider. Encore est-il permis de constater que ce style de l’école de Nuremberg, sorte de compromis entre l’art gothique et celui de la renaissance, n’a jamais eu une grande originalité.

Nous ignorons si c’est à un sentiment un peu étroit d’amour-propre national ou à une simple omission qu’il faut attribuer l’absence à peu près complète de la statuaire française du moyen âge, bien supérieure pourtant à celle de l’Allemagne, et l’exclusion absolue et tout aussi inexplicable de cette charmante école des Goujon, des Prieur et des Pilon et de tant d’autres maîtres, l’honneur de notre renaissance française. En revanche, la renaissance italienne étale ici ses splendeurs, et les deux grandes statues équestres du Colleone de Verrocchio et du Gattamelata de Donatello s’élèvent fièrement à l’entrée des salles qui lui sont consacrées. Il y a là les Pisano, Ghiberti, Mino da Fiesole, Benedetto da Majano, Rosellino, Luca della Robbia et tous les grands noms de cette riche école dont Michel-Ange avec son œuvre entier vient couronner la liste.

A part la regrettable lacune que nous avons constatée, l’histoire de la sculpture se déroule dans toute son étendue au musée des moulages de Berlin. On veille sans cesse, nous l’avons dit, à le compléter en se procurant, dès leur apparition, toutes les œuvres intéressantes. Un atelier fonctionnant dans le local même des musées et qui relève de leur direction, permet d’ailleurs de livrer aux autres collections des reproductions de tous les originaux qui sont à Berlin et offre ainsi, par voie d’échanges, des occasions faciles d’accroissement. En Allemagne, du reste, non-seulement toutes les capitales, mais souvent même de très petites villes, possèdent un musée de moulages. Les moindres universités en ont un, toujours convenablement installé et pourvu de crédits spéciaux destinés à l’entretenir et à l’augmenter. On a reconnu que c’était là un instrument précieux de culture intellectuelle, et on n’imaginerait guère que l’enseignement de l’archéologie pût être traité aussi parcimonieusement qu’en France, où il est privé des ressources les plus indispensables pour assurer son efficacité. Comment, en effet, parler d’une manière tant soit peu précise des divers styles et des grandes œuvres de l’antiquité? comment surtout en donner une idée quelconque à ses auditeurs, si on ne peut mettre sous leurs yeux tout au moins quelques-uns des types les plus caractérisés de cet art?

Il ne faut pas craindre de le dire, nous sommes sur ce point