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demeurés fort en arrière. Mais si nous n’avons pas depuis longtemps chez nous un musée de moulages, ce n’est pas faute de l’avoir réclamé. La première pensée d’une telle création est même, si nous ne nous trompons, venue de la France. Dès 1820, M. de Forbin, frappé des avantages qu’offrirait cet établissement, en faisait l’objet d’une proposition formelle et montrait qu’avec une dépense insignifiante, il y aurait là pour nos artistes et nos archéologues des élémens d’étude que rien ne pouvait remplacer. M. Viollet-Le-Duc, en 1855, avait offert au ministre d’état de fournir gratuitement « des moulages de statuaire et de sculpture d’ornemens faits sur les plus beaux monumens français du XIIe au XVIe siècle ; » on n’accorda aucune attention à son offre ; en la rappelant en 1879, il était obligé de constater que, ces moulages proposés par lui ayant été faits chez nous par l’Angleterre, à la condition de laisser partout un double des estampages exécutés pour son compte, ces estampages étaient, pour la plupart, dispersés ou détruits, l’administration s’étant contentée de faire savoir à la commission des monumens historiques a que les musées ne disposaient pas de locaux propres à recevoir ces collections. » Depuis 1855, bien d’autres voix encore se sont élevées[1] pour réclamer l’adoption d’un projet si facilement réalisable. Ici même[2], M. F. Ravaisson, à l’appui des argumens que, de son côté, il apportait pour en démontrer l’utilité, faisait valoir des considérations aussi justes qu’ingénieuses.

Ces considérations et bien d’autres encore qu’il serait facile d’invoquer, auraient dû, ce semble, et depuis longtemps déjà, nous assurer la fondation d’un musée de moulages. M. E. Guillaume, dont la direction a été si féconde pour la prospérité de notre École des beaux-arts, a, il est vrai, doté cette école d’une collection de plâtres installée avec un goût remarquable, et qui, grâce au zèle intelligent de M. Eugène Muntz, s’est considérablement accrue depuis peu ; mais cette belle collection, bien que très libéralement ouverte le dimanche aux visiteurs, reste spécialement destinée à l’instruction des élèves, et un grand nombre des pièces qui la composent sont placées dans des salles réservées à l’étude et dont l’accès par conséquent ne peut être livré au public. Tout récemment enfin, sur les instances réitérées de M. Viollet-Le-Duc, et peu de temps avant la mort du célèbre architecte, la création du musée des moulages

  1. Parmi ceux qui ont essayé d’en montrer la nécessité, il convient de citer M. Vinet, l’ancien bibliothécaire de l’École des beaux-arts ; M. A. Dumont (Gazette des beaux-arts, 1er  mai 1873), et M. René Ménard qui, en 1868, dans son livre sur la Sculpture antique et moderne, parlant des difficultés qu’il avait rencontrées pour ses recherches, ne pouvait se défendre d’un sentiment de jalousie en voyant que l’Angleterre nous avait depuis quelque temps déjà devancés dans cette voie.
  2. Un Musée à créer. (Voyez la Revue du 1er  mars 1874.)