Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/573

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ÉTUDES SUR LE XVIIIe SIÈCLE

IV.[1]
LA DIRECTION DE LA LIBRAIRIE SOUS M. DE MALESHERBES


I.

Le rôle que nos philosophes du XVIIIe siècle ont joué sur la scène de leur temps, et ceux-là particulièrement que nous réunissons sous le nom d’encyclopédistes, on en dispute, il est vrai, les uns l’applaudissent, les autres le sifflent, j’en sais enfin qui le maudissent, mais on le connaît, ou du moins on croit le connaître. Admettons pour aujourd’hui que ce soit la même chose. L’état qu’ils ont tenu dans le monde, et dans le plus grand monde, courtisés par les rois, par les impératrices, par tout ce qu’il y avait alors en Europe d’aristocratie brillante, frivole, et imprudente, on le connaît encore, ou du moins il est aisé de le connaître. Il suffit de feuilleter la Correspondance de Voltaire ou les Confessions de Rousseau. Mais leur condition légale, mais la nature de leurs rapports avec le pouvoir, mais leur situation sous le régime administratif du privilège et de la censure préalable, voilà ce que l’on ne connaît guère, ou plutôt, voilà ce que l’on ne connaît pas. On sait bien que les lois étaient sévères, inhumaines, attardées comme qui dirait de deux ou trois cents ans sur l’esprit du siècle; on ne sait pas ce que la douceur des mœurs administratives apportait de tempéramens à la rigueur des lois; — et là pourtant est toute la question. C’est ici, mais dans la mesure seulement où

  1. Voyez la Revue du 1er janvier, du 1er avril et du 15 juin 1881.