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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/885

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d’investigation tient une large place, est d’ôter à l’esprit le sentiment des proportions. On arrive à grossir ce qui est petit, à estimer comme une découverte quelque nouveauté misérable, à tenir pour médiocre ce qui est connu, à laisser les grands chemins pour les sentiers, les sentiers pour les impasses, Charles Martel pour Childebrand. Il ne faut point manier pour le seul plaisir de les manier les instrumens de la découverte historique. Si l’on a porté le microscope sur un grain de poussière, il faut l’y laisser le temps de constater que c’est bien un grain de poussière, pas une minute de plus.

Il y a donc de graves défauts dans ces écoles où se forment les professeurs d’histoire et les historiens. Ajoutez-y celui-ci, qu’elles ont très peu d’élèves. Chaque année, l’École normale donne quatre ou cinq professeurs, l’École des chartes une quinzaine d’archivistes, l’École des hautes études quatre ou cinq jeunes gens capables d’entreprendre des travaux d’érudition; et, parmi les professeurs, plusieurs se contenteront d’être des professeurs ; parmi les archivistes, plusieurs se contenteront d’être des gardiens d’archives. Ces trois écoles réunies ne donnent pas assurément une demi-douzaine d’historiens par année. Comment s’étonner que l’obscurité dure sur tant de points de notre histoire nationale?


II.

Telle est la double cause, politique et administrative, de cet abandon où nous laissons l’histoire de France : nous ne sommes point en un bon état d’esprit pour l’étudier, et il y a de graves défauts dans notre organisation scolaire. Le temps seul change un état d’esprit, mais on peut trouver un remède aux vices d’une organisation. Ce remède est trouvé : on commence à l’appliquer en Sorbonne et dans la plupart des facultés des lettres.

Pendant que ces jeunes gens abandonnés cherchaient des maîtres, les maîtres des facultés cherchaient des élèves. Les facultés de droit et de médecine, en leur qualité d’écoles professionnelles, ont toujours eu leur clientèle assurée d’étudians qui se destinent aux fonctions et professions juridiques ou bien à la profession médicale. La seule fonction à laquelle puissent préparer les facultés des sciences et des lettres, est le professorat; mais comme la grande majorité des professeurs se recrutait et se formait à la grâce de Dieu, pendant que la très petite minorité entrait à l’École normale, ces facultés avaient des auditeurs, mais pas d’élèves. On leur a donné leurs élèves naturels, les futurs professeurs ; ainsi a commencé une réforme de l’enseignement supérieur, qui permet aujourd’hui les plus belles espérances.