Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/893

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On peut être assuré que le plus grand nombre des travailleurs se porteront sur l’histoire de France. Il ne sera point impossible de coordonner leurs efforts ; car la faculté de Paris où se passent presque toutes les épreuves doctorales, approuve ou rejette les sujets de thèse qu’on lui propose, et il arrive souvent que les professeurs indiquent ces sujets. Ils savent quelles choses on ignore dont la connaissance importe ; ils ont qualité pour désigner à leurs élèves tel ou tel objet de recherches. Cette organisation du travail se fera sans contrarier les goûts ni gêner la liberté de personne. Les uns, se plaisant aux grandes questions générales, étudieront une période de l’histoire de la royauté française; des juristes, les difficiles questions de l’état des choses et des personnes aux différens momens de notre histoire. Rennes, Toulouse, Montpellier, Dijon, Lyon, Bordeaux, toutes nos vieilles capitales où siègent aujourd’hui nos facultés, rajeuniront et compléteront nos annales provinciales; nous aurons des histoires d’institutions, de personnages, de villes; et ainsi, par l’usage des documens connus et des travaux déjà faits, par la découverte et la mise en œuvre de documens nouveaux, ce qui méritera de revivre revivra; ce qui n’est pas impénétrable sera pénétré. Chacun de nous sera fortifié en sentant qu’il fait partie d’une légion. Les revues spéciales de critique et d’information, déjà fondées, nous mettront au courant de ce qui se passe partout, des œuvres faites, même de celles qui se préparent. On s’ingéniera certainement à multiplier les moyens de travail. Il faut, par exemple, résumer les connaissances acquises sur l’histoire du moyen âge, en dresser l’inventaire, marquer le point où l’on est arrivé : ce sera l’œuvre de dictionnaires historiques pour lesquels les collaborateurs ne manqueront plus. Il faut résumer l’histoire du droit en France, droit civil, droit politique, droit ecclésiastique dans des manuels qui soient la classification bien faite, avec citations abondantes, des documens sur la matière. Il faut entreprendre la composition d’annuaires, dressés règne par règne, où chaque fois soit mis à sa date, avec l’indication des textes qui nous l’ont révélé. Il faut remettre en circulation les produits admirables de la vieille érudition française, découper dans les in-folio des trois derniers siècles, soit des documens essentiels, soit des dissertations modèles et les mettre en un format commode à la portée de toutes les bourses et de toutes les mains. A mesure que s’accomplira cet immense travail, des historiens qui ont l’aptitude aux vues d’ensemble et ce talent particulier de résumer les choses acquises entreprendront de rédiger par périodes l’histoire de la France.

Pendant ce temps, les professeurs d’histoire ne se formeront plus au hasard. Dans nos collèges, nul n’enseignera sans être pourvu du