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Ce n’est pas que M. Paul Bert se soit jamais sérieusement considéré comme un ministre des cultes, il n’a cru visiblement être qu’un ministre contre les cultes, et il a tenu à prouver qu’il n’avait pas perdu son temps, qu’on n’avait pas eu tort de lui confier la mission de remettre de l’ordre dans les affaires religieuses du pays. Depuis qu’il a quitté le pouvoir, M. Paul Bert ne tarit plus. Il vide ses portefeuilles; il écrit à son « cher conseiller d’état, » M. Castagnary, qui l’a aidé dans l’administration des cultes de sa « science générale, profonde, et de ses connaissances spéciales en ces délicates matières. « Il divulgue le projet qu’il avait médité avec son collaborateur, — une loi sur « l’exercice du culte catholique » en France, la grande charte des garanties de l’état, de la société civile. Si on avait pu douter un instant de l’esprit que M. Paul Bert portait dans ces affaires, qui sont effectivement plus délicates qu’il ne le croit, on ne peut certes plus s’y méprendre, on sait à quoi s’en tenir, et par les actes et par les déclarations de cet étrange régulateur des culte! M. Paul Bert, avec une jactance presque naïve, prétend que, devant un ministre comme lui, décidé à tenir tête à toutes les usurpations cléricales, l’église s’est tenue pour avertie, qu’il y a eu à son avènement « une grande accalmie, une pacification apparente. » Il assure même que les plus hauts dignitaires ecclésiastiques lui ont offert, pour rendre la paix définitive, leur actif et tout-puissant concours. Le fait est que M. le cardinal Guibert, archevêque de Paris, aidant le dernier ministre des cultes à pacifier l’église, c’eût été curieux, et c’est heureusement imaginé! mais M. Paul Bert, on le comprend bien, n’était pas homme à se laisser séduire par cette mise en scène d’une pacification apparente, et il a tenu à prendre ses garanties, à promulguer sa grande œuvre préparée avec le concours de M. Castagnary. A la vérité, c’est simple et c’est complet. D’un côté, M. Paul Bert propose, pour revenir au pacte concordataire, de «dépouiller l’église catholique des immunités et des privilèges que la faiblesse des gouvernemens lui a successivement accordés : » exemption du service militaire, honneurs et préséances, traitement des chanoines, bourses et logement des séminaires, logement des évêques, imposition d’office sur le budget des communes, monopole des pompes funèbres, etc. D’un autre côté, le projet propose d’édicter un certain nombre de dispositions pénales contre des « abus » prévus par le concordat ou les articles organiques, mais non punis jusqu’ici avec une suffisante efficacité : attaques dans l’exercice des fonctions contre des particuliers, des fonctionnaires, des administrateurs, absences non justifiées, publication non autorisée d’actes émanant de la cour de Rome, etc. Les ecclésiastiques pourront être punis de la prison ou de la suspension du traitement, et qui prononcera cette suspension ? Tout simplement le ministre ! Le dernier mot du progrès