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emparés du journalisme, et tout le monde doit se mettre en règle avec eux, car ils sont les suprêmes dispensateurs du blâme et de la louange, du fait divers et de la réclame. La place qu’ils occupent dans les universités, dans l’ordre des avocats, dans toutes les carrières libérales est absolument disproportionnée à leur nombre. Dés que le parlement leur a ouvert ses portes, ils y ont fait figure ; leurs intérêts y sont représentés par des hommes de loi rompus à toutes les arguties de la chicane, par des orateurs subtils et diserts, par d’habiles manœuvriers. Le gouvernement a tenté de lier partie avec eux, d’obtenir leur concours ; mais ils ne se donnent pas, ils se prêtent au cinquante pour cent, et leur alliance a paru coûteuse.

L’Allemagne, qui les comptait et les pesait, s’est indignée de l’empire qu’ils se permettaient d’exercer. Il semblait que cette puissance nouvelle fût venue en une nuit comme un champignon, et pourtant elle avait été préparée de loin avec cette admirable patience qu’enseignent les longs malheurs et qui n’est pas la moins enviable des vertus israélites. « Qu’on le voulût ou qu’on ne le voulût pas, lisons-nous dans le plus récent écrit d’un fécond publiciste, il devait y avoir tôt ou tard une question des juifs à Berlin. De 1780 jusqu’à nos jours, l’élément hébraïque a joué dans les destinées de cette ville un rôle aussi considérable que la colonie française pendant les cent années qui avaient précédé. Il y a un siècle, les estimables amis de Lessing, Herz et Mendelssohn d’une part, de l’autre les agioteurs Éphraim et Itzig, représentaient les qualités et les défauts du judaïsme, comme le font aujourd’hui les savans professeurs Israélites de notre université et les tripoteurs non moins Israélites de notre Bourse. Qu’on l’étudie dans ses bons ou dans ses mauvais côtés, l’histoire berlinoise du dernier siècle révèle à chacune de ses pages l’influence marquée du judaïsme ; mais les élémens exotiques, déplaisans ou au moins bizarres du caractère juif, ne se sont jamais fait sentir d’une manière aussi pénible que dans les dix années qui viennent de s’écouler. Nous n’entendons formuler ici ni une plainte ni une accusation ; le fait s’explique si bien par lui-même qu’on devrait s’étonner qu’il ne se fût pas produit. Quand on renverse les digues qui ont longtemps resserré un puissant et profond torrent dans un lit trop étroit, il en résulte infailliblement une inondation, et quand une race heureusement douée, très subtile, très rusée et très tenace, a gémi durant des siècles sous une oppression tyrannique, elle déploie à l’instant de la délivrance une puissance d’expansion et d’explosion dont les témoins oculaires peuvent seuls se faire une idée. Les juifs se sont laissé griser par une victoire après laquelle ils avaient longtemps soupiré, et dans l’ivresse on est rarement modeste et réfléchi, prudent et circonspect[1]. »

  1. Herr Hofprediger Stacker der Socialpolitiker, eine Streitschrift, von Franz Mehring ; Bremen, 1882.